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MARIE-CLAIRE

IV

L’automne arriva et je m’ennuyais davantage. Je regrettais les caresses de sœur Marie-Aimée. J’avais une si grande envie de la voir qu’il m’arrivait de fermer les yeux en imaginant qu’elle venait dans le sentier ; j’entendais réellement ses pas et le bruissement de sa robe sur l’herbe ; lorsque je la sentais tout près de moi, j’ouvrais les yeux et aussitôt tout s’effaçait.

Pendant longtemps j’eus l’idée de lui écrire, mais je n’osais pas demander ce qu’il fallait pour cela. La fermière ne savait pas écrire, et personne ne recevait de lettre à la ferme.

Je m’enhardis jusqu’à demander à maître Sylvain s’il voulait bien m’emmener un jour à la ville. Il ne répondit pas tout de suite ; il fixa sur moi ses grands yeux tranquilles, et il dit qu’une bergère ne devait jamais quitter son troupeau. Il voulait bien me conduire de temps en temps à la messe du village, mais il ne fallait pas compter qu’il m’emmènerait à la ville.

J’en restai tout étourdie. C’était comme si j’avais appris un grand malheur ; et chaque fois que j’y pensais, je voyais sœur Marie-Aimée comme une chose très précieuse que le fermier aurait brisée par mégarde.

Le samedi d’après, je vis partir les fermiers dès le matin comme d’habitude ; mais, au lieu de rester