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MARIE-CLAIRE

fermées, et c’est à peine si on les distinguait dans l’obscurité. Il n’y avait que le forgeron qui était levé. En passant devant sa maison, je montai ses deux marches avec l’intention de me reposer chez lui. Il était occupé à mettre une grosse barre de fer dans les charbons rouges ; et quand il leva le bras pour tirer le soufflet il me parut aussi grand qu’un géant.

À chaque coup de soufflet le charbon flambait et pétillait ; cela faisait une lueur qui éclairait les murs où pendaient des faux, des scies et des lames de toutes sortes. L’homme avait le front plissé et il regardait fixement le feu.

Je sentis que je n’oserais jamais lui parler, et je m’éloignai sans faire de bruit.

Lorsqu’il fît tout à fait jour, je vis que je n’étais plus éloignée de la ville. Je reconnaissais même les endroits où sœur Marie-Aimée nous conduisait dans nos promenades. Je ne marchais plus que lentement, en traînant les pieds qui me faisaient beaucoup souffrir. J’étais si lasse que je fus obligée de me faire violence pour ne pas m’asseoir sur les tas de cailloux de la route.

Le bruit d’une voiture allant à fond de train me fit retourner la tête : aussitôt je restai immobile et le cœur battant ; j’avais reconnu la jument rouge et la barbe noire du fermier. Il arrêta sa bête tout contre moi, et en se penchant un peu il me saisit d’une seule main par la ceinture de ma robe. Il me déposa à côté de lui sur le siège, et après