Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/163

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beauté, me demanda ce qu’elle me coûtait et passa la chaîne autour de son énorme cou, en s’écriant que la possession d’un pareil trésor la rendrait bien heureuse. Sans aucun soupçon et me regardant comme parfaitement en sûreté dans ce lieu, quelque retiré qu’il fût, j’avais fait peu d’attention à ses paroles et à ses mouvements. Je partageai tranquillement, avec mon chien, un bon souper de venaison, et ne fus pas longtemps sans avoir satisfait aux exigences de mon appétit.

Cependant l’Indien s’était levé de son siége, comme si sa souffrance eût redoublé ; il passa et repassa devant moi, à plusieurs reprises, et une fois me pinça si fort au côté, que j’eus peine à retenir un cri de douleur et de colère. Je le regardai ; son œil rencontra le mien, mais son regard m’imposa silence d’un air si dominateur, que j’en ressentis le frisson dans tous mes os. Il se rassit, tira d’un étui crasseux son grand couteau, en examina le fil, comme je ferais de celui d’un rasoir que je soupçonnerais d’être émoussé  ; puis il le remit dans l’étui, prit derrière lui son tomahawk et en remplit la pipe de tabac, tout en continuant à me lancer des regards significatifs, chaque fois que notre hôtesse nous tournait le dos.

Jamais, jusqu’à ce moment, mes sens ne s’étaient éveillés à l’idée d’un danger pareil à celui dont je soupçonnai maintenant la présence. Je rendis à mon compagnon regard pour regard, et restai bien convaincu que, quels que fussent les ennemis qui me menaçaient, lui du moins ne serait pas du nombre.