Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/221

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Un matin, de bonne heure, notre vaisseau doubla le cap nord de la baie de Saint-Georges. Le vent était léger, et la vue de cette magnifique étendue d’eau qui pénétrait dans les terres jusqu’à une distance de dix-huit lieues sur une largeur de treize, réjouissait à bord tous les cœurs. Une longue rangée de rivages abrupts la bordait d’un côté, et leur sombre silhouette se prolongeant sur les flots ajoutait un nouveau charme à la beauté de la scène ; de l’autre, les tièdes rayons d’un soleil d’automne, glissant sur les eaux, blanchissaient les voiles des petites barques qui s’en allaient naviguant de çà et de là comme autant de mouettes au plumage d’argent. Qu’il nous était doux de revoir des troupeaux paissant au milieu des plaines cultivées, et le monde à ses travaux dans les champs ! C’en était assez pour nous consoler de toutes nos fatigues et des privations que nous avions souffertes ; et comme le Ripley gouvernait alors vers un port commode qui soudainement s’était ouvert devant nous, le nombre des vaisseaux que nous y apercevions à l’ancre et l’aspect d’un joli village augmentaient encore notre joie.

Bien que le soleil dans l’ouest touchât presque à l’horizon, lorsque nous jetâmes l’ancre, les voiles ne furent pas plutôt ferlées, que nous descendîmes tous à terre. Alors se produisit, parmi la foule, un vif sentiment de curiosité : ils semblaient inquiets de savoir qui nous étions, car à notre tournure et à celle de notre schooner, qui avait un certain air guerrier, on voyait bien que nous n’étions pas des pêcheurs. Comme nous portions nos armes d’habitude et notre accoutrement de