Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/425

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des êtres qui me sont chers, fatigué, affamé, manquant de tout, tellement seul et désolé que j’en venais à me demander pourquoi j’étais là, près de voir le fruit de tous mes travaux abîmé, anéanti par l’eau qui envahissait mon camp et me forçait à me tenir debout, tremblant de froid comme dans un fort accès de fièvre, et les regards tristement tournés vers les années de ma jeunesse, en songeant que peut-être je ne devais plus ni revoir ma maison, ni embrasser ma famille ; que de fois, dis-je, je me suis tout à coup réjoui, parce qu’aux premiers rayons de l’aurore se glissant encore douteux à travers les masses sombres de la forêt, venait de retentir à mon oreille, et de là jusqu’à mon cœur, la délicieuse musique de ce messager du jour ! Et qu’avec ferveur alors je bénissais la bonté divine qui, ayant créé la grive des bois, l’avait placée dans ces forêts solitaires comme pour consoler mon abandon, relever mon âme abattue, et me faire comprendre qu’en quelque situation qu’il se trouve, l’homme ne doit jamais désespérer, parce qu’il ne peut jamais dire avec certitude que précisément à cette même heure le secours et la délivrance ne sont pas tout près de lui.

Et ne craignez pas qu’elle se trompe : après une de ces tourmentes que je viens de dépeindre, son chant n’a pas plutôt donné l’éveil, que les cieux commencent à s’éclaircir ; la lumière, réfractée en jets brillants, monte de dessous l’horizon ; bientôt elle resplendit, s’enflamme, et enfin, dans toute sa pompe, le grand orbe du jour éclate aux yeux ! Les vapeurs grises qui flottaient sur la terre sont promptement dissipées ; la