Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/66

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plissaient de plus fortes émotions qui les emportaient bien au-delà du moment présent : le tintement des clochettes au cou des troupeaux, nous disait que près de nous, dans une douce sécurité, de paisibles animaux erraient de vallée en vallée, à la recherche du pâturage, ou s’acheminaient, pour regagner là-bas leur bergerie. Les houhoux du grand duc ou le battement moelleux de ses ailes, comme il se balançait mollement au-dessus des eaux, les sons de la corne du batelier, qui s’en allaient de plus en plus lointains et affaiblis dans les airs, tout cela parlait vivement à notre âme. Puis, au retour de l’aurore, de chaque feuillage s’élançaient de joyeux chanteurs dont l’écho répétait les notes harmonieuses que l’oreille écoutait dans un ravissement toujours nouveau. Çà et là apparaissait la cabane isolée d’un pionnier, premier vestige d’une civilisation naissante ; et fréquemment nous voyions des cerfs et des daims traverser le courant, pour gagner la plaine, signe certain que la neige ne tarderait pas à couvrir les montagnes.

Très souvent aussi nous rencontrions et dépassions bientôt de pesants bateaux plats, les uns chargés du produit des différentes sources et des petites rivières qui versent dans l’Ohio le tribut de leurs eaux ; les autres, de moindre dimension, et où s’entassaient des émigrants de toutes nations, à la recherche d’une nouvelle demeure. Pures jouissances, scènes de la solitude, ah ! ce n’est que devant une pareille nature, et entouré des siens, comme je l’étais, qu’on peut goûter tout votre charme.