Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À cette époque, les rivages abondaient de gibier : dindons sauvages, coqs de bruyère, sarcelles aux ailes bleues s’offraient d’eux-mêmes à mes coups. Aussi faisions-nous bonne chère ! En quelque endroit qu’il nous plût d’aborder, nous n’avions qu’à descendre, battre le briquet et, pourvus comme nous l’étions de tous les ustensiles nécessaires, nous avions bientôt devant nous un succulent repas.

Ainsi passèrent plusieurs de ces heureux jours ; et nous approchions de notre demeure, lorsqu’un soir, non loin de la Crique aux pigeons (c’est un petit ruisseau qui, de l’État d’Indiana, coule dans l’Ohio), nous entendîmes un bruit éclatant, étrange, si semblable au cri de guerre des Indiens, que nous nous jetâmes aux avirons, en ramant vers l’autre bord aussi promptement et aussi doucement que possible. Le bruit augmentait ; nous nous imaginions déjà entendre des cris de meurtre ; et comme nous savions que récemment des dépradations avaient été commises par un parti de naturels mécontents, nous nous trouvâmes, pour un moment, très mal à l’aise. Cependant peu à peu le calme nous revint, et nous pûmes bientôt nous convaincre, à n’en plus douter, que ce singulier vacarme était produit par une secte d’enthousiastes méthodistes qui s’étaient ainsi écartés de la route ordinaire, tout exprès pour tenir un de leurs meetings annuels, à l’ombre d’une forêt de grands hêtres. Ce fut sans nouvelle interruption dans notre voyage, que nous atteignîmes Henderson, distant, par eau, de Shippingport, d’environ deux cents milles.