Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/10

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leur prison, et pleins de vie, alertes et mignons, ils hasardent au dehors leurs pas chancelants et leur duvet si délicat. Bientôt ils se dirigent vers l’eau, à la suite de leurs parents inquiets ; ils atteignent le bord du courant au milieu duquel se joue déjà la mère ; l’un après l’autre ils se risquent à tenter l’aventure, et maintenant les voilà tous qui glissent lentement sur les ondes. Quel délicieux spectacle ! rasant la rive verdoyante, la mère guide doucement son innocente progéniture : à l’un, elle montre la graine des herbes flottantes ; à l’autre, elle présente une rampante limace ; ses yeux vigilants surveillent la cruelle tortue, l’orphie[1] et le brochet vorace qui guettent la proie. La tête inclinée, elle regarde en haut, s’il n’y a pas de mouette ou d’aigle qui vole au-dessus d’eux, cherchant à faire capture. Qu’un oiseau rapace vienne pour les saisir à l’improviste, à l’instant elle plonge et sa couvée après elle ; puis ils vont reparaître parmi les joncs épais, en ne présentant d’abord que le bec hors de l’eau. Enfin la mère a gagné la terre, et rassemble sa famille par un appel si bas et si doux, qu’il n’y a que les petits et le père pour en comprendre le sens. À présent ils sont sauvés, et leur ennemi, qui ne sait ce qu’ils sont devenus, n’a plus qu’à renoncer à sa poursuite.

  1. Gar-fish (Esox Bellone). On donne ce nom d’Orphie à un genre de poissons holobranches abdominaux de la famille des Siagonotes, séparé par Cuvier du grand genre des Ésoces.
    Il paraît qu’on en trouve dans toutes les mers ; et l’on a dit que quelques individus ont jusqu’à huit pieds de long et font des morsures venimeuses.