Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/9

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se tient à ses côtés, attentif même au murmure de la brise ; le moindre bruit lui arrache un sifflement de colère. Qu’il aperçoive un raton courant à travers les herbes, il s’élance sans hésiter, l’étourdit d’un coup vigoureux, et le force bientôt à prendre la fuite. Je doute même qu’un homme qui n’aurait aucune arme dans les mains pût se tirer à son honneur d’une telle rencontre. Il fait plus, l’intrépide qu’il est : qu’un danger pressant vienne à menacer sa femelle, il l’oblige à fuir ; et lui, sans crainte, il reste auprès du nid jusqu’à ce qu’il la sache bien en sûreté. Alors, enfin, il se retire, mais semble encore insulter par ses clameurs au désappointement de son ennemi.

Supposons que tout soit paix et sécurité autour de l’heureux couple, et que la femelle repose tranquillement sur ses œufs. Le nid est placé sur le bord de quelque majestueuse rivière ou près d’un lac aux eaux dormantes. Au-dessus de la scène enchantée se déroule le clair azur des cieux ; la lumière, en traînées brillantes, scintille à la surface des ondes, et des milliers de fleurs odorantes font, du marais naguère si triste, un séjour charmant. Le mâle passe et repasse, effleurant l’élément liquide dont il semble être le roi. Tantôt il incline sa tête en décrivant une courbe gracieuse ; tantôt il boit à petits coups pour étancher sa soif à loisir. Cependant le soleil a marqué midi ; il rame alors vers le rivage pour prendre un moment la place de sa patiente et fidèle compagne. Déjà, au travers de la coquille, s’entendent les bégaiements de la tendre couvée ; de leur bec frêle, les petits ont fait brèche aux murs de