Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/114

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un Canard, après tout, vaut bien un coup de sa carabine rouillée. C’est un Indien ; vous le reconnaissez à sa peau rouge, à ses cheveux noirs et retombants qu’il a coupés ras de chaque côté de la tête. Au milieu d’une sorte de mauvaise couverture dont l’acquisition lui a coûté bien cher, il a fait un trou par où passe sa tête nue ; et cette guenille lui sert, comme le caparaçon d’un cheval, pour chasser les derniers moustiques qui, dans cette saison, s’acharnent encore sur ses jambes et lui sucent le sang. Garde à vous, Canards ! ne perdez plus une minute, car je le vois qui met en joue ; partez, partez vite ! Non ?… eh bien ! un de vous certainement lui servira pour son dîner. Parmi la cime des arbres la fumée monte en tournoyant ; une détonation retentit, et tous les Canards s’envolent, moins deux, qui, traînant le derrière et battant en vain l’air de leurs pieds, ont été frappés par la même balle. Alors lentement il s’approche, le fils de la forêt ; d’un regard il estime la profondeur du marécage, entre résolûment dans l’eau, puis à l’aide d’un long roseau attire à lui son butin. Pour le moment, c’est assez : il regagne le bois, allume un petit feu, et bientôt les plumes volent autour de lui. De chaque aile il a soin d’arracher un tuyau pour déboucher la lumière de son fusil, dans les temps de pluie, et de mettre de côté les entrailles, qu’il destine à servir d’appât pour quelque piége. Mais déjà les Canards sont cuits, et le chasseur se livre à la joie d’un bon repas, bien qu’il ne perde guère de temps à savourer ses morceaux. C’est qu’il faut que la lune le retrouve sur pied, courant les bois à la faveur de sa