Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/113

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courber les têtes pesantes des hautes herbes. Malheur au limaçon qui se rencontre sur leur passage ! D’autres barbotent dans la vase et font la guerre aux sangsues, grenouilles et lézards qu’ils ont à portée de leur bec. Les plus vieux courent dans les bois et se remplissent le jabot de faînes et de glands, sans dédaigner de se le garnir, chemin faisant, de quelques souris qui, effrayées de l’approche de ces maraudeurs, se hâtaient de regagner leur trou. Et pendant tout ce temps, leur caquetage vous assourdirait, si vous étiez plus près d’eux… Mais soudain il a cessé ; quelque chose d’extraordinaire les menace, et tous à la fois ils sont devenus silencieux. Les cous s’allongent, les têtes se dressent, et d’un regard inquiet ils explorent les environs. Heureusement ce n’est rien : ce n’est qu’un ours qui, non moins qu’eux, friand de glandée, laboure avec son museau les feuilles tombées nouvellement, ou qui retourne une vieille souche pourrie pour y chercher des vers ; et les Canards, de plus belle, se remettent à la besogne… Mais un autre bruit s’est fait entendre, et cette fois bien plus alarmant. L’ours lui-même se dresse sur ses pattes de derrière, renifle l’air et, avec un sourd grognement, rentre au galop dans les profondeurs de sa cannaie. Les canards battent en retraite vers l’eau, se réfugient au centre du marais et, ne hasardant plus que quelques cris à demi étouffés, ils attendent que se montre au loin l’objet de leur terreur. Cependant l’ennemi s’avance ; plein de ruse et à petits pas, il marche à couvert, d’un arbre à l’autre. Il sait qu’il a manqué la meilleure occasion : l’ours lui échappe ; mais il a faim, et