Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/119

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instant me procura l’une des plus vives jouissances que j’aie de ma vie éprouvées, en cherchant à surprendre les secrets de la nature au milieu des bois.

Dans les lieux peu fréquentés, les Canards volent, pour chercher leur nourriture, le jour comme la nuit ; mais quand ils sont troublés par des coups de fusil, ils ne sortent guère que la nuit ou vers le soir et au lever du soleil. Dans les temps très froids, ils remontent les cours d’eau, et se retirent même aux petites sources où on les rencontre en compagnie de la bécasse. Souvent, après de fortes pluies, on les voit chercher des vers sur les champs de blé ; et quand arrive la fin de l’automne, ils aiment à pâturer sur les rizières de la Géorgie et des Carolines. J’ai lieu de croire que ces oiseaux accomplissent alors une seconde migration, car c’est par milliers qu’ils viennent, de l’intérieur, fondre sur les plantations de riz. Dans les Florides, il y en a parfois de telles multitudes, que l’air en est obscurci ; et le bruit qu’ils font en s’enlevant des vastes savanes ressemble au roulement du tonnerre. Lors de mon séjour chez le général Hernandez, dans la Floride orientale, ces Canards étaient si nombreux, qu’un nègre que ce gentleman avait pris à son service comme chasseur en tuait à lui seul de cinquante à cent vingt par jour, et en entretenait ainsi toute la plantation.

Le vol du Canard sauvage est rapide, fort et bien soutenu. D’un seul coup d’aile il s’enlève de terre, aussi bien que de l’eau, et monte perpendiculairement pendant dix ou quinze mètres, ou même, quand il part du milieu d’un bois, jusqu’à ce qu’il soit au-dessus de la