Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/23

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attendant que le danger soit passé. Si l’ennemi s’acharne à les y poursuivre, les mâles commencent à pousser de grands cris, la troupe se forme en rangs serrés, et ils s’envolent tous à la fois, mais ordinairement sans présenter ni ligne ni angle, disposition qu’ils ne prennent que lorsqu’ils ont à parcourir une distance considérable. Leur ouïe est d’une finesse si extraordinaire, qu’au seul bruit des pas, ils reconnaissent, sans s’y tromper, à quelle sorte d’ennemi ils ont affaire. Rien qu’en entendant casser une branche sèche, ils distinguent avec un tact exquis si c’est homme ou daim qui s’approche. Une douzaine de grosses tortues se jettent en tumulte à l’eau, un alligator se laisse pesamment choir dans le marais, ne craignez pas que l’Oie sauvage bouge ni s’en préoccupe ; mais voilà que de là-bas, bien loin, arrive, faible et presque imperceptible, le bruit de la pagaie d’un Indien qui, par mégarde, a heurté contre les flancs de son canot : soudain l’alarme est donnée, les têtes se dressent, et toutes, le regard tourné vers le lieu d’où vient le danger, elles surveillent, silencieuses, les mouvements de leur ennemi.

Elles sont aussi extrêmement rusées. Quand elles croient n’avoir pas été aperçues, elles se glissent doucement parmi les hautes herbes, en baissant la tête, et restent parfaitement immobiles jusqu’à ce que le bateau soit passé. Je les ai vues, pour échapper aux regards du chasseur, quitter furtivement la surface gelée d’un grand étang et se réfugier dans les bois, puis revenir quand le chasseur s’était éloigné. Mais s’il y a de la neige sur la glace ou dans les bois, elles sont constam-