Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/253

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naient tous de disparaître. Cependant, les sons continuaient bruyants et sans interruption, semblables au tumulte d’une foule joyeuse. Tout à coup, le passage se rétrécit extrêmement, et j’avais de l’eau jusqu’aux aisselles. Enfin, je parvins à me placer derrière quelques gros troncs de mangliers, d’où je découvris une multitude de Cormorans qui n’étaient qu’à quinze ou vingt pas de moi. Aucun d’eux ne paraissait m’avoir vu ni entendu, tout absorbés qu’ils étaient dans l’accomplissement de leurs cérémonies nuptiales. Les mâles nageaient avec grâce autour des femelles, en tenant élevées les ailes et la queue ; puis, ils courbaient la tête en arrière, se gonflaient les plumes du cou qu’ils ramenaient, par un mouvement subit en avant, et faisaient entendre une note rauque et gutturale rappelant assez bien le cri d’un cochon de lait. Alors, la femelle s’enfonçait dans l’eau, et son mâle au-dessus d’elle, ne laissant plus passer que la tête ; bientôt après, ils reparaissaient tous les deux, nageaient joyeusement l’un autour de l’autre et ne cessaient, pendant tout ce temps, de croasser. Vingt couples ou plus à la fois se trouvaient engagés de cette manière ; et de fait, l’eau était toute couverte de Cormorans. Je n’aurais eu qu’à choisir pour tuer. Je voulus m’approcher doucement ; ils m’aperçurent, et ma présence fut pour eux ce que serait pour vous l’apparition d’un fantôme. Après m’avoir un instant contemplé d’un air de stupéfaction, ils commencèrent à battre l’eau de leurs ailes et à plonger. J’avançais toujours ; mais déjà ils s’étaient dispersés, les uns en se cachant sous l’eau, les autres