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Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/261

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bois, nous fîmes sur l’eau un abatis de gros troncs, que nous disposâmes autour de notre embarcation de manière à la garantir de la pression des masses de glaces flottantes. En moins de deux jours, nos provisions, notre bagage et nos munitions étaient déposés en tas, sous l’un des magnifiques arbres de la forêt ; nous étendîmes nos voiles par-dessus, et un véritable camp s’éleva dans la solitude. Mais comme tout nous semblait sombre et menaçant ! Si nous n’avions eu en perspective le plaisir que promettait à notre esprit la contemplation de cette nature pourtant si sauvage, il aurait bien fallu nous résigner à passer le temps dans le triste état où sont réduits les ours durant leur hibernation. Toutefois nous ne tardâmes pas à trouver de l’occupation et des ressources ; les bois étaient remplis de gibier : daims, ratons, dindons et opossums venaient rôder jusqu’aux alentours de notre camp ; tandis que, sur la glace qui maintenant joignait les deux rives du vaste fleuve, s’étaient installées des troupes de cygnes, objet de convoitise pour les loups affamés dont nous prenions plaisir à les voir déjouer l’attaque désespérée. C’était un spectacle curieux d’observer ces blancs oiseaux, tous accroupis sur la glace, mais attentifs à chaque mouvement de leurs insidieux ennemis. Que l’un de ces derniers se hasardât à approcher, même à cent mètres, aussitôt, poussant leur cri d’alarme qui retentissait comme le son de la trompette, les cygnes étaient debout, étendaient leurs larges ailes, faisaient, en courant, quelques pas sous lesquels résonnait la glace, avec un bruit semblable au roulement du ton-