Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/272

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même de m’égarer ; mais heureusement la lune se leva et vint m’apporter, fort à propos, le secours de sa lumière amie. Je commençais à trouver l’air singulièrement piquant, et la brise légère qui, de temps à autre, agitait la cime des grands arbres, me donnait envie de faire halte et de dresser ma tente pour la nuit. Tantôt je songeais aux campagnes de mon vieil ami Daniel Boon, à ses aventures étranges, au milieu de ces mêmes bois, ainsi qu’à la marche extraordinaire qu’il lui fallut faire pour sauver ses semblables au fort Massacre, et les empêcher d’être scalpés par les Indiens ; tantôt je m’arrêtais au bruit des pas d’un opossum ou d’un raton sur les feuilles sèches, puis je reprenais ma course fatigante, l’esprit occupé de souvenirs, les uns gais, les autres tristes. Tout à coup le reflet d’un feu lointain vint m’arracher à mes rêveries et me donner un nouveau courage. Je hâtai le pas et j’aperçus, en approchant, différentes formes qui semblaient s’agiter devant la flamme, comme des spectres ; et bientôt des éclats de rire, des cris et des chants m’annoncèrent qu’il s’agissait de quelque joyeuse réunion : j’avais sous les yeux ce que, dans le pays, on appelle un camp à sucre. Hommes, femmes et enfants tressaillirent tous quand je passai près d’eux ; mais ils avaient l’air de braves gens, et sans plus de cérémonie que le cas n’en comportait, je me dirigeai vers le feu, où je trouvai deux ou trois vieilles femmes avec leurs maris qui avaient le soin des chaudières. Leurs simples vêtements, de grossière étoffe du Kentucky, me plaisaient bien plus à voir que les turbans enrubannés de