Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/288

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Mais supposez que le fermier ait surpris l’Opossum sur le fait, égorgeant l’une de ses plus belles volailles : exaspéré, furieux, il se rue sur la pauvre bête, qui, sachant bien qu’elle ne peut résister, se roule en boule et reçoit les coups. Plus l’autre enrage, moins l’animal manifeste l’intention de se venger ; et il reste là, sous les pieds du fermier, ne donnant plus signe de vie, la gueule ouverte, la langue pendante, les yeux fermés jusqu’à ce que son bourreau prenne le parti de le laisser en se disant : Bien sûr, il est mort. Non ! lecteur, il n’est pas mort ; seulement il faisait le mort, et l’ennemi n’a pas plus tôt tourné les talons, qu’il se remet petit à petit sur ses jambes, et court encore pour regagner les bois.

Une fois, sur un bateau plat très mauvais marcheur, je descendais le Mississipi, n’ayant, comme toujours, d’autre mobile que le désir d’étudier les objets de la nature les plus en rapport avec mes travaux. Le hasard me fit rencontrer deux Opossums que j’apportai vivants dans notre arche. À peine sur le pont, les malheureuses bêtes se virent assaillies par les gens de l’équipage ; et aussitôt, suivant leur instinct naturel, elles se laissèrent aller comme mortes sur les planches. On s’avisa d’un expédient, qui fut de les jeter par-dessus le bord. En touchant l’eau, et pendant quelques minutes, ni l’un ni l’autre ne fit le moindre mouvement ; mais quand la situation leur parut désespérée et qu’il fallut songer à se tirer de là, ils commencèrent à nager vers notre gouvernail, qui n’était qu’une longue et grossière pièce de bois s’étendant, du milieu du bateau, jusqu’à trente