Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/39

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Parfois, après qu’on avait lâché l’écluse d’un moulin, pour des raisons mieux connues du meunier que de moi, je voyais tous ces petits poissons se retirer ensemble dans un ou deux bas-fonds, comme s’ils n’eussent voulu, à aucun prix, abandonner leur retraite favorite. Il y en avait alors tant et tant, qu’on pouvait en prendre à volonté avec la première ligne venue, pourvu qu’il y eût au bout une épingle amorcée de quelque sorte de ver ou d’insecte que ce fût, et même d’un morceau de poisson frais. Puis tout à coup, je ne sais pourquoi, sans aucune cause apparente, ils cessaient de mordre, et il n’y avait ni précaution, ni appât qui pût les engager, non plus qu’aucun autre du même trou, à reprendre à l’hameçon.

Pendant les grandes inondations, ce poisson ne veut d’aucune espèce d’amorce ; mais alors on peut le prendre à l’épervier ou à la seine, à condition que le pêcheur ait une parfaite connaissance des lieux. Au contraire, quand l’eau se trouve basse, il n’est pas de trou écarté, pas de remous à l’abri de quelque pierre, pas de place recouverte de bois flotté, où l’on ne puisse se promettre ample capture. Les nègres de quelques contrées du Sud en font d’abondantes pêches à la fin de l’automne. Pour cela, ils choisissent les parties peu profondes des étangs, entrent doucement dans l’eau et placent, de distance en distance, un engin d’osier assez semblable à un petit baril et ouvert aux deux bouts. Du moment que les poissons se sentent retenus dans la partie inférieure qui pose au fond, leur frétillement avertit le pêcheur qui n’a pas alors grand mal à s’en emparer.