Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/38

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de la terre humide ; le second a renfermé dans une bouteille une cinquantaine de sauterelles, également en vie ; le troisième n’a rien du tout pour amorcer, mais il empruntera à son voisin. Et les voilà, mes trois gaillards, qui font tournoyer leurs baguettes en l’air, afin de dérouler les lignes, à l’une desquelles est attachée une plaque de liége, tandis que l’autre n’a qu’un petit morceau de bois léger, et la dernière deux ou trois gros grains de plomb pour la faire couler. Maintenant, les hameçons ont reçu l’appât, et tout est prêt. Chacun jette sa ligne là où il croit qu’il fait le meilleur, ayant eu soin, avant tout, de sonder avec sa baguette la profondeur de l’eau pour s’assurer que la petite bouée pourra se maintenir en place. Toc, toc… le liége file et s’enfonce, le morceau de bois disparaît, le plomb donne des secousses, et au même instant volent en l’air trois de ces pauvres poissons, qui, chemin faisant, se décrochent et vont tomber bien loin parmi les herbes, où ils sautillent et se débattent jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais déjà les hameçons, amorcés de nouveau, sont retournés en chercher d’autres. Le fretin abonde, le temps est propice, la saison délicieuse (on est au mois d’octobre), et les poissons sont devenus si gourmands de vers et de sauterelles, qu’une douzaine à la fois sautent après le même appât. Nos jeunes novices, je vous l’assure, s’amusent joliment : en une heure, ils ont presque vidé le trou, et peuvent emporter une fameuse friture à leurs parents et à leurs petites sœurs. Dites-moi, est-ce que ce plaisir-là ne vaut pas celui du premier pêcheur, avec toute son expérience et sa méthode ?