Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/415

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comme tous les enfants, la nourriture qui convient à leur délicate structure. Alors je me retire à l’écart, pour tout observer sans les troubler ; et bientôt la mère arrive avec une provision d’aliments qu’elle a soigneusement mâchés et ramollis : ce sont divers poissons que le lac lui a fournis et qu’elle dégorge avec mesure à chacun de ses nourrissons. Je les ai vus croître, tous ces membres de la jeune famille ; chaque jour j’ai remarqué leurs progrès plus ou moins rapides, selon les changements de température et l’état de l’atmosphère. Enfin, après une attente longue et continue, je les ai vus se tenir presque tout droits sur un espace à peine assez large pour les contenir. Les parents semblaient ne pas ignorer le danger de leur position ; et pourtant, affectionnés comme ils paraissaient toujours l’être, je croyais remarquer qu’ils ne leur témoignaient plus le même intérêt, et j’en ressentais de la peine. Oui ! ce fut pour moi une véritable peine de les voir, la semaine suivante, repousser leurs enfants et les précipiter dans l’eau qui s’étendait au-dessous. Il est vrai qu’auparavant les jeunes Anhingas avaient essayé le pouvoir de leurs ailes, lorsqu’ils se tenaient debout sur le nid, en battant l’air par intervalles et pendant plusieurs minutes de suite ; néanmoins, quoique bien convaincu qu’ils étaient par eux-mêmes en état de risquer le saut, je ne pus me défendre d’un mouvement de frayeur, en les voyant culbuter en l’air et faire le plongeon dans le marais. Mais en cela, comme toujours, la nature avait agi conformément à ses fins, c’est-à-dire sagement ; et je reconnus bientôt qu’en chassant ainsi leurs petits,