Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/91

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l’eau, jusqu’à ce qu’elle soit devenue noire et épaisse en se chargeant de la vase que leurs pieds font monter d’en bas. Alors, à mesure que paraît un poisson, ils le frappent à coups de bec et, quand il est mort, le retournent et le laissent là. En moins de dix ou quinze minutes, des centaines de poissons, de grenouilles, de jeunes alligators et de serpents d’eau en couvrent la surface ; de sorte que les oiseaux n’ont plus qu’à manger, jusqu’à ce qu’ils soient complétement repus. Après quoi, ils se dirigent vers la rive la plus rapprochée, s’y établissent en longues files, tous la poitrine tournée du côté du soleil, à la manière des pélicans et des vautours, et restent dans cette posture une heure ou plus. Quand la digestion est suffisamment avancée, ils s’envolent, montent en tournoyant à une immense hauteur, où ils planent pendant une heure ou deux, en faisant les plus belles évolutions qu’il soit possible d’imaginer. Leur cou et leurs jambes sont tendus à toute longueur, et le blanc pur de leur plumage fait mieux ressortir encore le noir de jais du bout de leurs ailes. Tantôt en larges cercles, ils semblent vouloir gagner les régions les plus élevées de l’atmosphère ; tantôt ils plongent vers la terre, puis doucement se relèvent, pour recommencer leurs gracieux mouvements au haut des airs. Bientôt cependant la faim les rappelle ; et développant ses lignes, la troupe vogue rapidement vers un autre lac ou un autre marais.

Remarquez où ils vont, et tâchez de les suivre à travers les grands roseaux, les cyprès submergés et les taillis impénétrables. — Il est rare qu’ils revien-