Page:Augagneur, Erreurs et brutalités coloniales, Éditions Montaigne, 1927.djvu/29

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de munitions, nous sommes exténués, c’est fini !

La fuite recommence ; elle dégénère en sauve-qui-peut ; les tirailleurs plus agiles devancent et abandonnent les officiers ; seul le caporal Isanga demeure bravement avec eux ainsi que le tirailleur Rainizanabelo ; ce dernier offre son épaule où s’appuie Baguet harassé.

Ils traversent à eux quatre un affluent de l’Isandra et plus loin commencent à gravir la côte.

Janiaud épuisé par l’hémorragie sent sa jambe se raidir. Il ne peut plus suivre Baguet et lui dit en faisant ses derniers efforts : « Je n’en puis plus, je meurs ici, mais ils ne m’auront pas vivant. Adieu, tâchez de vous sortir de là ». « Bon Dieu ! répond Baguet, je ne vous quitte pas, nous allons mourir ensemble » et il crie : « Ralliement à nous », voulant grouper les quelques tirailleurs encore debout qui précèdent les officiers. Peine perdue ! les tirailleurs avaient déjà atteint la crête suivante.

Janiaud reprend, tout en courant encore : « Ils vont s’amuser avec moi ; fuyez avec les tirailleurs ». Baguet se décide, prend le fusil de Janiaud et s’éloigne.

Janiaud tombe ; les poursuivants poussent des cris de triomphe. Sur la 4e hauteur, les tirailleurs se sont retournés et brûlent leurs dernières cartouches.

Janiaud tombé voit les poursuivants s’arrêter un instant sous les ultimes coups de fusil des tirailleurs en retraite. À côté de lui, coule un ruisseau boueux et entouré de plantes piquantes et touffues. Il s’y laisse tomber, se disant que les poursuivants mettraient un peu plus de temps à le chercher. De l’eau fangeuse dans laquelle il