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Page:Augier - Théatre complet, tome 1.djvu/17

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Cléon.

Le mot est gracieux ! Le sentiment, fort tendre !

Clinias.

Par des dehors polis à quoi bon nous surprendre ?
Voici plus de six mois que j’aspire au moment
De vous dire à tous deux tout cru mon sentiment.
Je le répète donc, nous ne nous aimons guères ;
Et, de fait, qu’avons-nous de commun, hors nos verres ?
Quelle fidélité nous sommes-nous fait voir ?
Quel service rendu ? confié quel espoir ?
Vous vous croyez unis, ô débauchés candides,
Par des chansons à boire et des bouteilles vides !
Beaux liens, par Pollux ! Apprenez en deux mots
Que l’amitié se fonde ailleurs qu’autour des pots.
Qui pense, après souper, à son voisin de table ?

Cléon.

Si notre compagnie est si désagréable,
Cherche d’autres amis, au lieu de te tuer.

Clinias.

Que des honnêtes gens je me fasse huer ?
Vous savez comme moi quelle loi nous rassemble ;
Car nous aurions mis fin à l’ennui d’être ensemble,
Si nous n’avions senti, chacun de son côté,
Que nous sommes réduits à notre intimité,
Que du doigt par la ville aux enfants on nous montre,
Et que comme une peste on fuit notre rencontre.

Paris.

Ne vas-tu pas mourir parce que des pédants,
Quand tu les saluais, t’auront fait voir les dents ?