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Page:Augier - Théatre complet, tome 1.djvu/341

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Et que l’occasion de rire est mal choisie ?
Conjurez ma colère au lieu de l’attirer,
Vous dis-je !

Adrienne.

Vous dis-je ! Ah ! si je ris, c’est de peur de pleurer !
Car à l’indignité de vos folles alarmes
On ne peut opposer que le rire ou les larmes !
Croyez-moi ; laissez-moi traiter légèrement
Tout ce que vos soupçons me donnent de tourment,
Et soyez sûr encor, malgré mon persiflage,
Que je ressens assez la pointe de l’outrage.

Tamponet.

On ne me trompe pas deux fois.

Adrienne.

On ne me trompe pas deux fois.Le voilà donc
Ce reproche éternel qu’on appelle un pardon,
Cette insulte toujours nouvelle et toujours prête
Qui dans tous nos débats me fait courber la tête !
Eh bien ! expliquons-nous une fois là-dessus ;
J’en ai le droit après tant d’outrages reçus.
Croyez-vous n’avoir pas votre part dans la faute
Que vous me reprochez d’une façon si haute,
Vous qui, m’ayant reçue enfant dans votre lit,
N’eûtes soin d’occuper mon cœur ni mon esprit ;
Qui me traitiez déjà moins en ami qu’en maître,
Qui n’étiez pas jaloux quand vous auriez dû l’être,
Et qui m’abandonniez sans guide et sans appui
Dans les tentations du monde et de l’ennui ?
J’ai fait pour vous aimer tout ce que j’ai pu faire ;
Mais vous ne m’aidiez pas, Monsieur, bien au contraire.
Vous partiez le matin pour vos graves travaux,
Vous rentriez le soir plein de soucis nouveaux ;
Et le besoin d’amour dont j’étais dévorée,