Page:Augier - Théatre complet, tome 1.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gabrielle.

Je ne veux les savoir que pour les partager.

Adrienne.

C’est l’histoire toujours vieille et toujours nouvelle !
Je fus heureuse un an… puisque cela s’appelle
Du bonheur. — Il m’aimait ; il le croyait, du moins,
Et ses serments prenaient les anges à témoins.
Puis l’habitude vint. Sa tendresse assouvie
Ne suffit bientôt plus à l’ardeur de sa vie…
Quand une passion vient à se consulter,
Tout s’accorde aussitôt à la précipiter ;
Tout déplaît à l’amant refroidi ; tout l’irrite,
Surtout ce dont jadis il nous fit un mérite.
S’il cherche à quereller, notre douceur paraît
Comme une résistance à son désir secret ;
Notre adresse, autrefois pleine de poésie,
À parer aux soupçons, devient hypocrisie ;
Il finit, entends-tu, par plaindre notre époux,
Et prendre, au fond du cœur, son parti contre nous,
Tant ce mari trompé lui paraît honnête homme
Depuis qu’il n’a plus rien à lui voler, en somme.

Gabrielle.

Mais c’est une infamie !

Adrienne.

Mais c’est une infamie ! Hélas ! non. C’est le cours
Des choses de la vie et le train des amours.
Mais ce que j’ai souffert, je ne saurais le dire.

Gabrielle.

Je le comprends assez.

Adrienne.

Je le comprends assez.Un seul mot peut suffire.