Page:Augier - Théatre complet, tome 1.djvu/389

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Je l’aimais, et parfois je désirais sa mort.

Gabrielle.

Et tu n’as pas rompu ?

Adrienne.

Et tu n’as pas rompu ? Ce fut mon plus grand tort.
Mais un reste d’espoir m’en ôtait le courage,
Et lui de son côté subissait l’esclavage
Par un dernier égard semblable au repentir,
N’osant m’abandonner et désirant partir.
La liaison ainsi, pendant toute une année,
Dans les déchirements s’est encore traînée,
Et Dieu sait jusqu’à quand tous deux aurions souffert,
Si mon mari n’avait un jour tout découvert.
Le croirais-tu ? j’étais si brisée et si lasse,
Que ce dernier malheur me parut une grâce.

Gabrielle.

Pauvre âme, ton récit m’a donné le frisson.

Adrienne.

Que mon exemple, alors, te serve de leçon ;
Car le même malheur sur ton avenir plane.

Gabrielle.

Ah ! ne compare pas ton amant à Stéphane ;
Stéphane est simple et bon ; il m’aime noblement
Et m’a déjà prouvé son entier dévoûment.
Va, je réponds de lui sans être bien savante,
Et ton récit pour moi n’a pas d’autre épouvante
Que celle du mensonge où j’allais m’enchaîner
Et dont il est à temps venu me détourner.
Merci, tu m’as sauvée.

Adrienne.

Merci, tu m’as sauvée.Ô Dieu clément !