Page:Augier - Théatre complet, tome 1.djvu/57

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On rencontre une femme, et, pour louer ses yeux,
On n’a d’autres moyens que s’en dire amoureux ?
À Chypre, mon pays, jamais on n’exagère,
Et nous aimons surtout un compliment sincère.

Clinias.

Parlons donc franchement ; je l’aime mieux aussi,
Et suis las de jouer à l’amoureux transi.
Je vous avouerai donc, et d’un cœur véritable,
Que, sans vous aimer fort, je vous vois fort aimable ;
Et, si vous me rendiez un peu ce sentiment,
Jamais vous n’auriez eu de plus commode amant.

Hippolyte, à part.

Qu’entends-je ?

Clinias.

Qu’entends-je ? Je suis fait peut-être de manière
À n’avoir pas besoin d’être riche pour plaire,
Et je suis cependant plus riche et généreux
Que ne le fut jamais un barbon amoureux.
Mes palais, mes trésors seront votre partage ;
Et si, par un hasard, je mourais avant l’âge,
Quelque legs opulent, splendide souvenir,
Vous ferait à jamais un tranquille avenir.
D’ici là, le plaisir, sans quoi tout est chimère,
Embellirait vos jours…

Hippolyte.

Embellirait vos jours…Où donc es-tu, ma mère ?

Clinias.

Votre mère est trop loin pour en apprendre rien.

Hippolyte.

Oui, je vois que je suis bien seule et sans soutien.