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la cuisine, sans cesser d’être un art, deviendra scientifique et devra soumettre ses formules, empiriques trop souvent encore, à une méthode et à une précision qui ne laisseront rien au hasard.

Nous sommes, au point de vue culinaire, à une période de transition. Les anciennes méthodes ont encore leurs fervents, que nous comprenons et dont, au fond, nous partageons les idées. Comment ne regretterait-on pas le temps où les repas étaient, tout à la fois, une cérémonie et une fête ? Où notre vieille cuisine française étalait ses merveilles pour la plus grande joie des gourmets ? Comment ne saisirait-on pas avec bonheur chaque occasion qui se présente de sacrifier à Comus, le Dieu joyeux de la bonne chère et des festins ? Aussi avons-nous tenu à conserver dans cet ouvrage, qui est en somme un recueil des traditions de la cuisine française bien plutôt qu’une œuvre personnelle, une foule de mets que le répertoire moderne a abandonnés, mais qu’un cuisinier digne de ce nom doit connaître pour être à même de satisfaire suivant les occasions qui s’offrent à lui aussi bien le client princier que le modeste bourgeois ; aussi bien le gourmet placide et béat, pour lequel le temps ne compte pas, que le financier ou le négociant affairés, pour lesquels il est tout. On ne peut donc nous accuser de parti pris en faveur des méthodes nouvelles ; nous avons simplement voulu suivre la marche en avant de notre art, être de notre époque et obéir à la volonté formelle des convives, des amphitryons ou des clients, volonté devant laquelle nous ne pouvons que nous incliner.

Nous estimons que c’est rendre un service à nos collègues que de les engager à chercher résolument — sans rien sacrifier de leurs préférences personnelles — les améliorations susceptibles de concourir à accélérer le service, sans nuire à la valeur des mets. Dans la généralité, nos méthodes sont encore trop largement tributaires de la routine. Sous la poussée de la clientèle dont les exigences sont irrésistibles, il nous a bien fallu déjà simplifier nos méthodes de travail ; mais il semble que nous ne nous engagions qu’à regret dans cette voie ; nous disputons le terrain pied à pied et ne le cédons que de fort mauvaise grâce. Ainsi, tandis que nous avons à peu près supprimé les socles, nous conservons les garnitures compliquées, dressées à grande perte de temps et encombrantes, dont la profusion est toujours une erreur au point de vue gastronomique, et qui devraient être