nature aussi sait que l’équilibre parfait des volumes suffit à la beauté et même à la grâce des grands êtres ; elle ne leur accorde que l’essentiel. Mais, l’essentiel, c’est tout !
Ainsi des vastes plans engendrés, dans les monuments gothiques, par la rencontre des arcs diagonaux qui constituent la croisée d’ogives. Quelle élégance dans ces plans si simples et si forts ! Grâce à eux l’ombre et la lumière réagissent l’une sur l’autre, produisant cette demi-teinte, principe de la richesse d’effet que nous admirons dans ces amples architectures. Cet effet est tout pictural.
Nous avons donc été tout d’abord amené à parler de peinture à propos d’architecture. En effet, ce jeu, cet emploi harmonieux du jour et de la nuit, c’est le but et le moyen, c’est proprement la raison d’être de tous les arts. N’est-ce pas, par excellence, l’architecture tout entière ? L’architecture est, à la fois, le plus cérébral et le plus sensible des arts, celui de tous qui requiert le plus complètement toutes les facultés humaines ; en aucun autre n’interviennent aussi activement l’invention et la raison, mais c’est aussi celui qui est le plus étroitement soumis aux lois de l’atmosphère, puisque le monument ne cesse d’y baigner.
Pour employer la lumière et l’ombre selon leur nature et selon ses intentions, l’architecte ne dispose que de certaines combinaisons de plans géométriques. Quels effets immenses il peut obtenir de moyens si réduits ! — Est-ce qu’en art les effets seraient d’autant plus grands que les moyens sont plus simples ? Oui, puisque le but suprême de l’art est d’exprimer l’essentiel. Tout ce qui n’est pas essentiel est étranger à l’art. La difficulté est de démêler ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas ; plus les moyens sont abondants, plus la difficulté se complique, plus il devient délicat de mettre en valeur les nuances de l’heure sans violer leur liberté naturelle ni trahir la pensée qu’on se propose d’exprimer.
Ces fins suprêmes de l’architecture ne sont-elles pas celles aussi de la sculpture ? Le sculpteur, qui prend ses modèles dans les formes de la vie sensible, dans les végétaux, dans les animaux, dans l’homme et la femme, est, certes, admirablement servi par la variété infinie de toute cette beauté ; mais cette variété même peut devenir pour lui un danger. Il n’atteint à la grande expression qu’en donnant toute son étude aux jeux harmoniques de la