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— La fleur et le fruit, ce sont les modèles des Gothiques. On apprend beaucoup en étudiant les concordances, les correspondances, les analogies, — car la même loi régit la vie morale et la vie sensible, — à la condition qu’on ait déjà le sentiment de cette loi générale. Les Gothiques l’avaient. Mais ces découvertes sont des récompenses. On ne les obtient qu’après bien des efforts, bien des pas sur une longue route, sans compter les digressions par les chemins de traverse et les haltes méditantes aux carrefours…

C’est le gothique qui a produit la Renaissance française, en déduisant de ses principes certains leurs conséquences. On dirait, plus justement que Renaissance : Déclinaison… Ce n’en est pas moins la Force qui enfante la Grâce et l’Esprit, et c’est un rêve en plusieurs joies. L’esprit heureux se déroule en ornements, comme un serpent au soleil.

Quel pays, celui qui posséda cette vitalité !

Il la conserva jusqu’aux jours de lassitude et de mensonge où l’on devait s’aviser de frelater les vieilles pierres comme les vieux vins.


III


Je sais qu’en ce moment l’homme souffre. Il appelle le changement. Tout un monde nouveau s’agite, et nous ignorons tout de lui, n’apercevant pas ses proportions, ses bornes, son harmonie. Orphée préside-t-il à la naissance de ce monde nouveau, ou n’est-ce que l’antique Python qui croit toujours triompher de l’éternellement jeune Apollon ?

Quoi qu’il en soit, l’homme a connu, avant notre âge, bien des changements déjà ; il a toujours su les traverser sans sacrifier le passé à l’avenir. Sous le poids des siècles, les sphinx et les temples profilent encore à l’horizon leur sérénité auguste ; Rome, après l’Égypte et la Grèce, a laissé partout l’ineffaçable empreinte de son caractère patient et orgueilleux.

Pourquoi a-t-on touché à l’architecture française ?

Quoi ! je puis voir encore les Arènes de Nîmes, et dès aujourd’hui nos Cathédrales sont plus qu’à demi effacées ! La Grèce a été mutilée, certes, mais les douleurs et les blessures ne déshonorent pas. La France a été