Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/533

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voir : les profondeurs inconnues, les fonds de la vie. Au-dessus de l’élégance, la grâce ; au-dessus de la grâce, le modelé. Mais tout cela dépasse les mots. On dit du modelé qu’il est doux : mais il est puissamment doux. Les mots manquent…


Oui, j’ai regardé et compris la forme, cela peut s’apprendre : mais le génie de la forme reste toujours à étudier.


Ce morceau d’antique vivant, avec les mêmes formes que l’antique, est là, étendu sur ce canapé, admirable. Une robe de moine brune, modelée de vive lumière, accompagne ce corps. Cette ardeur austère qu’elle exprimait dans la prière, ce ton de passion, elle l’apporte à la chair voluptueuse, dont elle voile les lignes royales.

L’antique n’a pas trouvé le costume feuille morte, plus beau que le rouge.


Ce coin de la bouche, ce trait mince d’abord qui se détourne et s’élargit en ondulant : le dauphin antique.


Ces lèvres sont comme un lac de plaisir que partagent les narines palpitantes, si nobles !

La bouche dans d’humides délices gondole, sinueuse, en serpent. Les yeux se gonflent, fermés de la couture des cils.


Les mots qui se meuvent en sortant des lèvres sont dessinés par elles, par leur si délicieuse ondulation.

Les yeux, qui n’ont qu’un coin pour se cacher, sont blottis dans des puretés de lignes et dans des tranquillités d’astres.

Comme un fruit tombé, cette figure renversée, avec cet œil horizontal qui voit mal, mais se laisse voir, qui appelle…

Toutes les courbes disent et répètent toujours la même douceur, concertent l’expression d’un monde infini : car cet œil, comme un soleil d’intelligence et d’amour, donne la vie, ne la retient pas. — Cependant, cet œil et cette bouche s’entendent l’un l’autre.