Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/351

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Après tout ce sont des paysans qui les ont faites. Tel garçon qui jusque là a aidé son père dans le travail des champs se sent un jour disposé à peindre : anch’io son’ pittore ! et le voilà qui enlumine suivant sa fantaisie. C’est un artiste mis à la hauteur de la société au milieu de laquelle il vit. Mais que cette société s’élève et se rapproche de la nôtre, rien n’empêchera que ce paysan ne soit un peintre. Cette disposition des Valaques tient à leur origine italienne. Ce peuple est intelligent et spirituel : il aime la poésie, la musique. Il n’est pas rare d’entendre les villageois dire des vers : quelquefois même ils improvisent. Au printemps ils confectionnent des flûtes avec des baguettes de saule, et on les entend de tous côtés jouer des mélodies. C’est une églogue de Virgile en action. Il y a des joueurs de flûte qui ont un talent renommé. On en citait un aux environs de Clausenbourg auquel on donnait le sobriquet d’Œil de Poulet, et qui exécutait avec sentiment des morceaux entiers. J’eus un moment l’envie de me faire son élève. Mais Œil de Poulet, en artiste de génie, avait ses caprices : je crois qu’il ressentait un profond mépris pour les étrangers, et je n’eus pas l’honneur de recevoir ses leçons.

Les airs valaques n’ont pas la mâle mélancolie des mélodies hongroises : ils respirent la tristesse ; ils expriment l’abattement d’un peuple long-temps asservi. En traversant les campagnes, on est souvent arrêté par des chants lents et monotones qui partent de la prairie