nus eut la malheureuse idée d’en appeler à l’empereur, pour ne pas laisser s’établir un précédent qui soumettait les donatistes à la condition des hérétiques. Le résultat de cet appel fut une condamnation plus solennelle à l’amende de dix livres d’or prononcée contre Crispinus et ses pareils.
L’intervention des évêques catholiques surtout la haute influence d’Augustin parvinrent à décharger les donatistes du poids de cette amende. Des députés du concile de Carthage, tenu le 26 juin 404, avaient demandé à l’empereur que la peine tombât seulement sur ceux dans le territoire desquels il se commettrait des violences contre les catholiques. Le complément de la peine était la privation du droit de tester et d’hériter. Cette résolution avait été inspirée par l’évêque d’Hippone, qui, contrairement à l’opinion d’autres évêques africains, ne voulait recourir à l’autorité impériale qu’afin de mettre les populations catholiques à l’abri des violences des donatistes. La plupart des autres pontifes étaient d’avis d’employer le pouvoir temporel pour forcer les donatistes à rentrer dans la communion catholique. En sollicitant dans ces termes la mise en vigueur du décret de Théodose, on ne contraignait point à la foi par voie de politique, mais on invoquait le secours des lois dans le dessein de protéger la vie, les intérêts, la liberté d’une portion considérable de sujets africains. Sous prétexte de tolérance, eût-il fallu donner aux méchants le droit d’opprimer les faibles ? Nous tenons à constater la part d’influence d’Augustin dans le concile de 404, parce qu’elle fut glorieuse ; le pontife d’Hippone fit triompher ses pensées de modération dans la grande assemblée épiscopale ; il bannit de l’ordre spirituel l’intervention de la force politique, et ne songea à s’appuyer sur les lois que pour défendre des milliers de catholiques en butte à d’horribles fureurs.
Les plaintes de tant d’évêques frappés par les donatistes, et surtout la sanglante histoire de Maximien, évêque de Bagaï, avaient irrité l’empereur Honorius ; les deux députés des conciles de Carthage, Théase et Evode, que Pétilien appelle les coureurs et les émissaires des traditeurs, eurent peu de succès avec la bienveillance de leur message ; la mansuétude d’Augustin, qui avait prévalu dans le concile de Carthage, fut mal accueillie au milieu des vifs mécontentements de la cour impériale.
Des lois publiées en 405, et datées de Ravenne, condamnaient énergiquement les donatistes et les classaient parmi les hérétiques. Dans les préliminaires des lois d’Honorius, on trouve, au sujet du baptême, ces paroles citées plus tard par Augustin : « Si le baptême doit être réputé défectueux et nul parce que ceux qui l’ont administré sont regardés comme des pécheurs, il faudra donc réitérer ce sacrement toutes les fois qu’il aura été conféré par un ministre indigne. Ainsi notre foi ne dépendra plus de la disposition de notre volonté, ni du bienfait de la grâce de Dieu, mais du mérite des évêques et des ecclésiastiques. » — « Que ces évêques fassent mille conciles, disait Augustin aux donatistes, et s’ils répondent seulement à ces lignes, nous nous soumettons à tout ce que vous voudrez. »
Les clercs et les circoncellions du diocèse des Cases-Noires, dans la Numidie, se livraient à de coupables violences. Le clergé catholique d’Hippone en souffrait ; il s’en plaignit à Janvier, évêque donatiste de cette ville, dans une lettre datée de 406 et rédigée par Augustin[1]. Quoique Janvier, à cause de son grand âge, ne dût pas ignorer ce qui s’était passé, cette lettre lui rappelait les principaux détails du procès fait à Cécilien, et les échecs successifs de ses accusateurs. Les donatistes vaincus répétaient que leurs affaires ne regardaient pas l’empereur ; mais ne furent-ils pas les premiers à traduire Cécilien devant Constantin, et à solliciter les jugements des princes temporels ? La lettre leur dit qu’ils se plaignent à tort des ordonnances impériales portées contre eux, et qu’ils sont victimes de leurs propres calculs. Ceux qui firent jeter Daniel aux lions furent jetés eux-mêmes dans la fosse terrible, après que le jeune prophète fut délivré : auraient-ils eu le droit de crier contre Daniel ? Il en est de même des donatistes, qui s’en prennent à l’Église catholique, après que l’autorité impériale a prononcé contre eux. D’ailleurs, la nécessité de ne pas se laisser tout à fait écraser par les clercs donatistes et les circoncellions a seule déterminé les catholiques à s’armer des ordonnances des empereurs. À la fin de sa lettre, le clergé d’Hippone propose une conférence pour résoudre la question religieuse, ou supplie que le pays d’Hippone soit délivré d’intolérables brigandages.
Nous trouvons les mêmes plaintes et quelques-unes des mêmes idées dans une lettre
- ↑ Lettre 88.