Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
histoire de saint augustin.

sans recourir à des puissances intermédiaires ; il leur apprit que Dieu était si près d’eux et si accessible à leur piété, qu’il daignait s’unir à l’homme.

Quant aux œuvres de Jésus-Christ et aux œuvres de ceux qui l’ont précédé, voici les pensées d’Augustin. Apulée s’est défendu de magie. Les magiciens d’Égypte furent vaincus par Moïse. Le législateur et les prophètes du peuple hébreu ont annoncé la venue de Jésus-Christ ; ils n’en parlaient pas comme d’un personnage qui dût les égaler ou les surpasser en miracles, mais comme du Seigneur et du Dieu de tous, fait homme pour l’amour des hommes. Si Jésus-Christ a opéré des miracles pareils à ceux des prophètes, c’est qu’il lui convenait d’accomplir par lui-même ce qu’il avait fait par eux. Mais le Sauveur accomplit des merveilles qui lui furent particulières : il naquit d’une vierge, il se ressuscita lui-même, il monta au ciel. De tels signes ne suffisent-ils pas pour prouver un Dieu ? Le Verbe n’a pas créé un monde nouveau en témoignage de sa puissance divine, mais il a fait quelque chose de plus grand peut-être que d’avoir fait un nouveau monde : en s’unissant à l’homme, il lui a donné une vierge pour mère, il a passé de la mort à l’immortelle vie et s’est élevé au-dessus des cieux ! Cela n’est pas arrivé, dira-t-on. Mais alors que répondre à ceux qui méprisent les miracles ordinaires et refusent de croire les plus grands ?

L’évêque d’Hippone raconte en quelques mots l’origine du peuple hébreu, sa multiplication merveilleuse en Égypte, son établissement dans le pays de promission, l’avènement du Sauveur prédit de point en point, les travaux, les espérances, les persécutions des premiers chrétiens qui se répandent jusqu’aux extrémités de la terre. Les chrétiens obscurs, ignorants, grossiers, instruisent les plus illustres génies, triomphent des orateurs les plus élégants. « Au milieu de l’alternative des malheurs et des prospérités des temps, dit Augustin, ils ne cessent de pratiquer la patience et la tempérance ; le déclin du monde, à ces époques extrêmes, l’approche du dernier âge sollicité par la lassitude des choses humaines, ne font que redoubler leur foi, parce que cela aussi a été prédit : ils attendent l’éternelle félicité de la cité céleste. »

L’évêque rappelle ensuite la dispersion des juifs, la naissance des hérésies qui se couvrent cependant du nom de Jésus-Christ, et s’écrie que nul esprit réfléchi ne saurait se méprendre sur le caractère d’événements semblables. Les livres des philosophes et les lois des plus sages républiques n’offrent rien de comparable à ces deux préceptes qui, d’après Jésus-Christ, renferment la loi et les prophètes : « Vous aimerez le. Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit, et votre prochain comme vous-même. » Le langage des livres saints, si l’on excepte les passages où se rencontrent de mystérieuses profondeurs, est le langage d’un ami qui s’adresse à un ami ; lorsque l’Écriture se cache sous des figures, elle ne cesse pas d’être simple ; elle n’emprunte pas ses expressions de ce qu’il y a de plus savant et de moins connu, ce qui pourrait effrayer les personnes de peu de savoir, comme on voit les pauvres n’oser approcher des riches, quand trop de magnificence les environne. Les obscurités de l’Écriture cachent des vérités exprimées clairement en d’autres passages ; elles ont pour but d’exciter en nous le goût de la vérité qui s’affaiblirait dans une étude trop facile. Nous nous sentons entraînés à déchirer les voiles qui s’offrent à nous, et les vérités ainsi découvertes nous deviennent nouvelles, quoique nous les connaissions déjà.

Nous avons reproduit avec soin tout ce qu’il y a de remarquable et d’important dans cette belle lettre à Volusien : Le lecteur a dû être frappé de la manière dont l’évêque d’Hippone rend compte du mystère de l’Incarnation. Quelle magnifique abondance d’images pour faire toucher aux plus petites mains les plus hautes vérités du monde religieux ! Il est impossible d’imaginer plus de clarté avec autant de profondeur. Augustin marche d’un pas ferme à travers la nuit du mystère, comme si tous les anges du ciel éclairaient sa course. La réponse à Volusien fut un événement ; elle détermina sans doute la conversion de plus d’un païen. Il est des chrétiens de notre temps qui sont aussi chancelants sur le mystère d’un Dieu fait homme que les païens du temps d’Augustin, et la parole du grand évêque ne leur sera pas inutile.

Il restait à résoudre les objections renfermées dans la lettre de Marcellin sur l’abolition de l’ancienne loi, sur la doctrine évangélique qu’on supposait contraire au bien des empires, sur la supériorité des miracles d’Apollonius et d’Apulée. Augustin répondit[1] à Marcellin.

  1. Lettre 138.