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chapitre trente-sixième.

Augustin nous fait observer que, dans ces passages de l’Évangile, Jésus-Christ parle de lui comme homme ; pour l’intelligence des discours évangéliques, on ne doit jamais oublier la distinction des deux natures. C’est ainsi que le Dieu se révèle dans ces mots du fils de Marie Mon père et moi nous ne sommes qu’un[1]. Tout ce qu’a mon père est à moi[2]. Le Fils dit au Père : Glorifiez-moi[3], et puis il lui dit : Je vous ai glorifié sur la terre. Pour le Fils comme pour, le Saint-Esprit, être envoyé, c’est apparaître dans le lieu où il était déjà ; la mission de ces deux personnes divines ne constate donc pas une infériorité relativement à la personne du Père. Le Fils seul s’est fait homme, mais les trois personnes divines ont concouru à la formation de l’humanité du Sauveur. Les trois anges qui apparurent à Abraham sont une image du mystère de la Trinité. Le grand docteur laisse entrevoir, avec beaucoup de réserve pourtant, l’idée que les Tables de la loi sur le Sinaï furent données par l’Esprit-Saint appelé dans l’Évangile le doigt de Dieu ; l’apparition sur la sainte montagne arrive cinquante jours après l’immolation de l’agneau et la célébration de la Pâques, comme, plus tard, l’Esprit saint promis aux apôtres descend cinquante jours après la passion du Seigneur. Les langues de feu de Sion rappellent aussi la fumée et les éclairs du Sinaï. Telle est la matière des deux premiers livres sur la Trinité.

Dans le troisième livre, Augustin, qui s’est déjà longuement étendu sur les apparitions divines, cherche de quelle manière Dieu s’est montré aux hommes : a-t-il formé des créatures tout exprès pour servir d’instrument à ses révélations ? S’est-il montré au moyen des anges qui existaient déjà et qui prenaient des corps créés afin d’accomplir leur mission ? ou bien ces anges, d’après le pouvoir qu’ils avaient reçu de Dieu, changeaient-ils leur propre forme selon les besoins de chaque acte de leur ministère ? Nous passerons rapidement sur ces questions de simple curiosité religieuse qui n’ont pas aujourd’hui le vif intérêt qu’elles avaient il y a quatorze siècles. L’évêque d’Hippone croit que c’est par le ministère des anges que Dieu s’est montré à Abraham, à Moïse, à divers personnages des saintes Écritures. À propos des apparitions merveilleuses, Augustin est grand dans sa manière d’apprécier les miracles. Il nous présente les faits miraculeux comme les résultats d’une volonté qui opère sans effort ni trouble, et sans surcroît de puissance. Chaque année, à des jours marqués, des eaux tombent sur la terre, mais si la force divine, qui soutient toute créature, assemble soudain les nuages et les change en pluie à la prière d’Elfe après de longs jours d’une sécheresse désastreuse, nous donnons le nom de miracle à cet événement inaccoutumé. C’est Dieu qui envoie les éclairs et le tonnerre ; ils étaient miraculeux sur le mont Sinaï, parce qu’ils se produisaient d’une façon inusitée. L’homme plante et arrose, mais c’est Dieu qui donné l’accroissement, et la grappe de la vigne et le vin sont l’œuvre de Dieu ; le vin changé en eau sur un signe du Seigneur est un miracle aux yeux des hommes les plus grossiers. C’est Dieu qui revêt les arbres de feuillage et de fleurs ; mais lorsque tout à coup vint à fleurir la verge d’Aaron, la Divinité conversa pour ainsi dire avec l’humanité qui doutait. Celui qui a ressuscité des morts donne la vie dans le sein des mères, et des corps naissent pour périr ensuite. Tous ces faits sont appelés naturels, lorsqu’ils se produisent comme un fleuve de choses qui passent et qui coulent ; on les proclame des merveilles, quand ils s’accomplissent d’une manière nouvelle, pour donner des avertissements aux hommes. Au fond, c’est toujours une même loi qui se produit avec des variétés. Il y a donc une grande irréflexion dans la révolte de la raison des philosophes contre la seule idée d’un miracle.

Au début du quatrième livre destiné au mystère du Verbe incarné, l’évêque d’Hippone exalte la connaissance de soi-même. Le genre humain, dit-il, a coutume de faire un très-grand cas de la science des choses de la terre et du ciel ; mais ceux-là sont meilleurs, qui préfèrent à cette science l’avantage de se connaître eux-mêmes ; il est plus glorieux de comprendre sa propre infirmité que de scruter et de savoir les chemins des astres. La science de celui qui gémit et pleure sur sa misère intérieure n’enfle point, parce que la charité édifie ; il a mieux aimé connaître la maladie de son âme que de connaître le circuit du monde ; les fondements de la terre et la hauteur du ciel. C’est le désir de la patrie qui produit la douleur du pèlerinage. Augustin se place parmi ces pauvres du Christ qui gémissent, et demande à Dieu la puissance de répondre aux hommes qui n’ont ni soif ni faim

  1. Saint Jean, X, 30.
  2. Saint Jean, XVI, 15.
  3. XVII, 5.