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histoire de saint augustin.

de l’évêque d’Hippone, composée de quatre livres adressés au pape Boniface. Au début du premier livre, consacré à la réfutation de la lettre de Julien, Augustin remercie le pape Boniface de son amitié ; il le remercie de ce qu’il veut bien être l’ami des humbles. Il parle du devoir de tous les évêques de défendre les brebis rachetées du sang du divin Pasteur, et place le siège de Rome plus haut que tous les sièges de la terre : quant à lui, Augustin, il fait ce qu’il peut pour sa petite part[1] ; le docteur rend grâce à Boniface de ne pas lui avoir caché des lettres où ce pontife avait trouvé le nom d’Augustin livré aux calomnies et aux outrages.

Les quatre livres à Boniface peuvent se résumer ainsi : Les pélagiens disaient : Les catholiques sont manichéens parce qu’ils nient le libre arbitre et qu’ils nous montrent l’homme invinciblement poussé au mal. Augustin répond que la doctrine catholique n’enseigne point la destruction du libre arbitre par le péché d’Adam, tuais sa modification profonde. La liberté qui a péri dans le paradis terrestre, c’était la possession d’une pleine justice avec l’immortalité ; c’est pour cela que la nature humaine a besoin de la grâce divine. Le libre arbitre est si peu détruit dans l’homme pécheur, que ce libre arbitre détermine le péché, surtout dans les hommes qui font le mal par délectation et par amour pour le mal ; ils font ce qu’il leur plaît. Saint Paul[2] nous apprend qu’on n’acquiert la liberté de la justice que par le libre arbitre de la volonté. Saint Jean, dans son Évangile[3], nous dit que Jésus-Christ a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous ceux qui l’ont reçu. » Quoi de plus formel que ces paroles ?

L’évêque d’Hippone venge les catholiques du reproche de méconnaître la sainteté du mariage, de condamner les saints personnages de l’Ancien Testament, et de ne pas croire à la rémission de tous les péchés par le baptême. Les pélagiens accusaient le clergé de Rome d’avoir prévariqué dans la question de la grâce ; Augustin leur répond que le pape Zozime usa de beaucoup d’indulgence envers Célestius et Pélage, mais que Rome n’approuva jamais leurs enseignements. D’après les évêques pélagiens, les catholiques introduisaient sous le nom de grâce une sorte de destin ; Augustin répond qu’on ne peut pas appeler destin la divine inspiration du bien et le secours d’en haut apporté à la faiblesse de la volonté humaine. Il fait voir aux évêques pélagiens qu’ils ont mal compris ce qu’il avait écrit sur le caractère de la loi de l’Ancien Testament. Les louanges extrêmes données à la créature, au mariage, à la loi, au libre arbitre, aux saints, cachaient tous les pièges de l’erreur pélagienne. Les pélagiens prétendaient que, pour condamner leur doctrine, il avait, fallu surprendre et arracher la signature des évêques catholiques dispersés au loin ; Augustin leur demande si on a aussi extorqué les signatures de saint Cyprien[4] et de saint Ambroise[5], qui bien avant la naissance de l’hérésie, l’ont renversée par leurs enseignements.

On se rappelle les affreuses extrémités auxquelles se livraient souvent les donatistes. Gaudentius, évêque donatiste de Thamugade, pressé d’obéir aux lois impériales, déclara que lui et les siens se brûleraient plutôt avec leur église ; résolution bien digne du violent génie africain ! Gaudentius s’appuyait sur l’exemple de Razias, dont le trépas est rapporté dans le deuxième livre des Machabées. Le tribun Dubitius, chargé de l’exécution des décrets impériaux, envoya à l’évêque d’Hippone les deux lettres qu’il avait reçues de Thamugade, en le priant d’y répondre. Quoique bien accablé de travaux, Augustin écrivit successivement deux livres contre Gaudentius pour répondre un dernier mot à ce parti expirant auquel il avait livré une si longue guerre[6]. Nous ignorons si l’évêque et les donatistes de Thamugade exécutèrent leur terrible résolution.

Nous trouvons ici, à la même date que les deux livres contre Gaudentius (420), un livre Contre le Mensonge, dont la pensée nous a frappé. L’occasion de cet ouvrage fut l’erreur de l’espagnol Consentius, qui croyait que, pour mieux découvrir la doctrine des priscillianistes, il était permis à un catholique de déguiser ses propres sentiments. Augustin s’élève avec énergie contre cette école, qui croit pouvoir en certains cas autoriser le mensonge, qui permet des atteintes à la vérité sous prétexte d’une fin

  1. Facio quod possum pro mei particule muneris, dit saint Augustin avec cette admirable humilité qui forme le principal trait de son caractère.
  2. Aux Romains, VI, 20.
  3. {{Corr|II|i, 12.
  4. Epist. De Opere et Eleemosynis.
  5. Commentaires sur Isaïe, liv. i, de la Pénitence ; Comment. de l’Évangile selon saint Luc.
  6. La secte vaudoise présentait quelque chose de l’ancien donatisme africain : elle faisait dépendre de la sainteté des ministres la validité des sacrements.