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chapitre cinquante-deuxième.

de s’expliquer sur la manière dont le Christ illumine le monde, savoir, si le Christ illumine par l’Esprit-Saint ou l’Esprit-Saint par le Christ, l’évêque arien, après bien des divagations, fit entendre que le Saint-Esprit est soumis au Verbe. Augustin lui montra l’inexactitude de cette parole, et ajouta quelques mots sur l’égalité des trois personnes divines qui forment un seul Seigneur.

Il parut à Maximin que le saint docteur n’avait pas suffisamment établi la mystérieuse égalité des trois personnes. Augustin répondit que le nombre trois ne contraignait point les catholiques d’admettre trois dieux ; que chacune des trois personnes est Dieu, mais que la Trinité est un Dieu unique. Si l’Apôtre, ajoutait le docteur, a pu dire avec vérité qu’après la descente du Saint-Esprit des milliers d’hommes n’avaient qu’un corps et qu’une âme, à plus forte raison pouvons-nous proclamer l’unité divine dans les trois personnes inséparablement liées par un ineffable amour ! Maximin prit texte de cette observation pour appuyer ses propres pensées : « Si tous les croyants ne faisaient qu’un cœur et qu’une âme, pourquoi ne dirions-nous point que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne font qu’un Dieu dans la convenance, l’amour et la conformité de sentiment ? Qu’a fait le Fils qui n’ait plu au Père ? Qu’a ordonné le Père que n’ait exécuté le Fils ? Quand donc le Saint-Esprit a-t-il donné des commandements contraires au Christ ou au Père ? » D’après Maximin, l’Esprit-Saint est soumis au Fils, parce que son office est de gémir pour nous. L’évêque d’Hippone explique ce qu’il faut entendre par les gémissements inénarrables du Saint-Esprit, dont parle l’apôtre saint Paul.

Maximin ne voit dans les rapports du Fils et du Saint-Esprit avec le Père que des rapports de prières et d’adoration, d’amour et de paix. Le seul Dieu tout-puissant, c’est le Père. Maximin veut prouver l’infériorité du Fils par tous les passages de l’Ecriture qui parlent du Verbe divin comme homme. Il demande des textes qui disent qu’il n’est pas né et n’a pas eu de commencement, et que nul n’a pu voir sa face. Qu’Augustin produise des preuves, et Maximin deviendra volontiers son disciple. L’évêque arien adorait le Christ comme auteur de toute créature, et notre docteur, dans sa réponse, montre à Maximin qu’il proclame ainsi deux dieux, deux seigneurs : l’un plus grand, l’autre moindre. Il lui dit que le Christ fut visible comme homme, ruais qu’il demeura invisible comme Dieu. Dans sa nature divine, le Christ est égal au Père, également Dieu, également tout-puissant, également immortel. S’il est vrai que l’âme ne puisse pas mourir, pourquoi le Verbe serait-il mort ? Pourquoi la sagesse de Dieu, incarnée dans l’homme-Dieu, serait-elle morte ? Jésus a dit : Mon Père et moi nous ne faisons qu’un ; l’Apôtre a dit en parlant du Sauveur : Il n’a pas cru rien usurper en se proclamant égal à Dieu[1]. C’était sa nature et non point un vol. Il n’a point usurpé cela, il est né cela[2]. L’infériorité du Verbe a commencé le jour qu’il a pris la forme d’un esclave. Les raisonnements d’Augustin sont les mêmes que ceux dont nous avons donné l’analyse dans le chapitre sur le Traité de la Trinité. En finissant, l’évêque d’Hippone demande à Maximin plus de sobriété dans la parole[3]. Maximin, dans sa réplique, d’une longueur démesurée[4], adore le Christ à la manière de saint Paul, dit-il, qui nous montre tous les genoux fléchissant devant Jésus au ciel, sur la terre et aux enfers. Le Christ doit au Père ces merveilleux privilèges. Maximin désirerait des témoignages qui pussent établir l’adoration due à l’Esprit-Saint ; il fait observer que le Père n’a pris ni la forme d’un esclave comme le Fils, ni la forme d’une colombe comme le Saint-Esprit ; il est celui qui est et ne change point.

La réplique de Maximin avait pris tout le temps qui restait pour la conférence ; l’évêque d’Hippone put à peine ajouter quelques mots. Maximin avait dit que le docteur parlait avec l’appui des princes, et non point selon la crainte de Dieu. « Celui-là ne craint pas Dieu, répondit le saint vieillard, qui introduit deux dieux et deux seigneurs. » Il invita son adversaire à croire afin de voir : Crede et videbis. Tous les deux signèrent ensuite les actes de la conférence ; Augustin promit de reprendre la discussion dans un écrit, car Maximin voulait retourner tout de suite à Carthage. Celui-ci s’engagea à répondre à cet écrit sous peine d’être déclaré coupable, et l’assemblée se sépara.

Le verbeux évêque de l’arianisme entassait

  1. Philip., II, 6.
  2. Natura enim erat, non ropina ; non enim usurpavit hoc, sed natus est hoc.
  3. Si non vis esse discipulus, noli esse multiloquus.
  4. Cette réplique tient quatorze colonnes in-folio.