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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/323

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OUVRAGES COMPOSÉS AVANT L’ÉPISCOPAT.

qu’il faut fuir tout ce qui est corps. Il est vrai, je n’ai pas dit « toutes les choses sensibles : j’ai dit « ces choses, » c’est-à-dire les choses corruptibles. Mais il valait mieux dire : De telles choses sensibles n’existeront pas dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre du siècle futur.

4. En un autre endroit j’ai dit encore : « Les savants formés aux connaissances libérales, les tirent certainement d’eux-mêmes par l’étude, comme si elles y étaient ensevelies dans l’oubli, et ils les en déterrent en quelque sorte[1]. » Je blâme cette phrase ; il est en effet plus croyable que si des esprits qu’on interroge bien font une réponse vraie sur certaines matières qu’ils n’ont pas étudiées ; cela vient de ce que la lumière de la raison éternelle dans laquelle ils voient ces vérités immuables, leur est présente autant qu’ils peuvent la recevoir, et non pas de ce qu’ils les avaient connues autrefois et qu’ils les ont oubliées, comme le pensent Platon et quelques autres. C’est une opinion que j’ai combattue autant que l’occasion m’en a été offerte dans le 12e livre de la Trinité[2]. Cet écrit commence ainsi : « Je roulais en moi-même beaucoup de sujets différents. »


CHAPITRE V.

de l’immortalité de l’âme. — un livre.


1. Après les livres des Soliloques, étant revenu de la campagne à Milan, j’écrivis le livre de l’Immortalité de l’Âme, dont j’avais voulu faire comme une sorte de mémorial pour terminer les Soliloques que j’avais laissés inachevés. Je ne sais de quelle manière il tomba malgré moi entre les mains du public et se trouva compris dans mes opuscules. Il est si obscur par la complication et la brièveté de ses raisonnements, qu’il fatigue à la lecture même mon attention et qu’à peine m’est-il intelligible.

2. De plus, n’ayant en vue que les âmes des hommes, j’ai dit en un passage de ce livre « Il ne peut y avoir aucune connaissance dans celui qui n’a rien appris. » J’ai ajouté ailleurs : « La science n’embrasse que ce qui appartient à quelque connaissance[3]. » Il ne m’est pas venu à l’esprit que Dieu n’acquiert aucune connaissance, et qu’il a cependant la science de toutes choses, et dans cette science la prescience de l’avenir. De même en est-il pour ce qui est écrit : « Il n’y a de vie avec la raison que la vie de l’âme[4] ; » en effet, la vie en Dieu n’est pas sans la raison, puisque en lui est la vie souveraine et la souveraine raison. Et aussi ce que j’ai avancé plus haut : « Ce qui se comprend est toujours de la même manière[5] ; » puisque l’on comprend l’âme et qu’elle n’est pas toujours de la même manière. Mais ce que j’ai dit : « L’âme ne se peut séparer « de la raison éternelle, parce qu’elle ne lui est pas unie localement[6], » certes je ne l’aurais pas dit si j’eusse été alors assez instruit dans les Lettres sacrées pour me rappeler qu’il est écrit : « Vos péchés font une séparation entre « Dieu et vous[7] ». D’où il est donné à comprendre que l’on peut appliquer l’idée de séparation à des choses qui n’ont pas été unies par les lieux, mais incorporellement.

3. Qu’ai-je voulu signifier par ceci : « L’âme, si elle manque de corps, n’est pas dans ce monde[8] ? » Je ne saurais me le rappeler. En effet, est-ce que les âmes des morts ne manquent pas de corps, ou ne sont pas dans ce monde ? Comme si les enfers n’étaient pas dans ce monde. Mais puisque j’ai regardé la privation du corps comme un bien, j’ai probablement voulu entendre sous le nom de corps les maux corporels. Que s’il en est ainsi, je me suis servi d’une expression trop inusitée. C’est aussi avec témérité que j’ai dit : « La souveraine essence donne au corps par le moyen de l’âme une forme par laquelle il est, tout autant qu’il est. Donc le corps subsiste par l’âme et il tient son être de cela même qui l’anime, soit universellement comme le monde, soit particulièrement comme tout animal dans le monde[9]. » Tout cela est très téméraire. Ce livre commence par ces mots : « Si la science existe quelque part. »


CHAPITRE VI.

livres des arts libéraux.


Vers le même temps, lorsque j’étais à Milan, me disposant à recevoir le baptême, je tentai aussi d’écrire les Livres des arts libéraux, interrogeant ceux qui étaient avec moi et qui n’éprouvaient pas d’éloignement pour des études de ce genre. Mon désir était de conduire ou de parvenir, comme à pas sûrs, aux

  1. Liv. II, C. XX, n. 35.
  2. Liv. XII, C. XV.
  3. C. I, n. 1.
  4. C. IV, n. 5.
  5. C I, n. I.
  6. C. VI, n. 11.
  7. Isa. LIX, 2.
  8. C. XIII, n. 22.
  9. C. XV, n. 24.