Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/342

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de laquelle il est écrit : « Vous avez perdu quiconque commet une fornication contre vous[1] », et dont la première fait aussi partie ; car il n’est pas sans commettre la fornication contre Je Seigneur celui qui corrompt les membres du Christ et les transforme en membres d’une courtisane ? Voilà ce qu’il faut examiner, rechercher et méditer à fond. En une matière si importante et si difficile, je ne voudrais pas que le lecteur pût penser que ma discussion suffise ; qu’il veuille bien, au contraire, lire d’autres écrits, soit ceux que j’ai composés depuis, soit ceux qui ont été mieux rédigés et médités par d’autres. Que lui-même, s’il le peut, débatte dans son intelligence avec plus de sagacité et de prudence les raisons qui peuvent à bon droit être invoquées ici. En effet tout péché n’est pas une fornication ; Dieu ne perd pas tous les pécheurs, lui qui chaque jour exauce les saints qui lui disent : « Pardonnez-nous nos péchés[2]; » et cependant il condamne, il perd quiconque commet une fornication contre lui. Quelle est donc cette fornication ? Comment l’entendre et comment la limiter ? Est-il aussi permis pour elle de répudier une épouse ? La question est des plus obscures. Quant à la permission de répudier basée sur la fornication en tant que crime honteux, cela rie fait pas de doute. Seulement, quand j’ai dit que cette répudiation était permise mais non ordonnée, je n’avais pas fait attention à cette autre parole de l’Écriture « Celui qui garde une adultère est un fou et un impie[3]. » Il est bien entendu que je n’appellerai pas non plus adultère la femme de qui le Seigneur a dit : « Moi je ne vous condamnerai pas, allez et ne péchez plus[4] », pourvu qu’elle lui ait obéi.

7. En un autre endroit j’ai défini le péché mortel contre un frère, duquel saint Jean dit : « Je ne dis pas que personne prie pour lui[5];» je l’ai défini, dis-je, en ces mots : « Le péché mortel contre un frère est, je pense, celui que l’on commet quand, après que l’on a connu Dieu par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’on porte atteinte à la fraternité et que l’on est poussé, par les flammes de l’envie, contre cette grâce par laquelle on a été réconcilié avec Dieu[6] ». Je n’ai pas prouvé mon dire, parce que je l’ai énoncé comme étant seulement ma pensée. Mais il fallait ajouter : si toutefois on achève sa vie dans cette atroce perversité ; car il ne faut jamais désespérer ici-bas même des plus méchants ; et on a raison de prier toujours pour celui de qui on ne désespère pas.

8. Dans le second livre je dis : « Il ne sera permis à personne d’ignorer le royaume de Dieu, lorsque le Fils unique de Dieu sera venu du ciel non-seulement d’une façon intelligible, mais d’une façon visible comme homme du Seigneur, pour juger les vivants et les morts[7]. » Je ne pense pas que l’on puisse se servir à bon droit de cette expression, homme du Seigneur, pour le Médiateur entre Dieu et les hommes, pour Jésus-Christ homme, puisqu’il est le Seigneur. Quel est en effet l’homme de qui on ne puisse pas dire dans sa sainte famille qu’il est l’homme du Seigneur ? Si je me suis servi de ce terme, c’est que je l’ai lu dans quelques écrivains catholiques, interprètes des saintes Écritures. Je voudrais ne pas l’avoir employé partout où je m’en suis servi. En effet j’ai vu plus tard qu’il n’était pas absolument propre, quoiqu’il puisse se défendre par quelques bonnes raisons. De même j’ai dit « La conscience de personne, ou à peu près, ne peut détester Dieu[8]. » Je n’aurais pas dû parler ainsi ; car il y a beaucoup de personnes de qui il est écrit : « L’orgueil de ceux qui vous détestent, Seigneur[9]. »

9. Ailleurs j’ai écrit : « Quand le Seigneur a dit : À chaque jour suffit son mal[10], il a voulu nommer mal la nécessité où nous sommes de prendre chaque jour de la nourriture, parce que cette nécessité est une peine ; elle appartient à cette fragilité que le péché nous a méritée[11]. » Mais je n’ai pas fait attention que dans le paradis des aliments avaient été donnés à nos premiers parents, avant que le péché ne leur attirât cette peine de mort. Ils étaient alors immortels et revêtus d’un corps, non pas spirituel, mais animal, et dans cet état d’immortalité, ils devaient cependant user de nourriture. Lorsque j’ai dit aussi[12] : « Cette Église que Dieu s’est choisie, glorieuse et n’ayant ni tache ni ride[13]; » je n’ai pas entendu que l’Église fût actuellement absolument telle et dans toutes ses parties. On ne peut douter qu’elle ait été choisie pour être telle quand le Christ, sa vie, apparaîtra ; elle,

  1. Psa. 67, 27
  2. Mat. 6, 12
  3. Pro. 18, 22
  4. Jn. 8, 11
  5. 1 Jean, 5, 16
  6. Liv. 1, C. 22, n. 73
  7. Liv. 2, C. 6, n. 20
  8. Liv. II, C. 14, n. 48
  9. Psa. 73, 23
  10. Mat. 6, 34
  11. Liv. 2, C. 17, n. 56
  12. Id. C. 19, n. 66
  13. Eph. 5, 27