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Livre sixième.

Sainte Monique retrouve son fils à Milan. — Assiduité d’Augustin aux prédications de saint Ambroise. — Son ami Alypius. — Projet de vie en commun avec ses amis. — Sa crainte de la mort et du jugement.

Chapitre Premier, Sainte Monique suit son fils à Milan.

1. O mon espérance dès ma jeunesse, où donc vous cachiez-vous à moi ? où vous étiez-voui retiré ? N’est-ce pas vous qui m’aviez fait si différent des brutes de la terre et des oiseaux du ciel ? Vous m’aviez donné la lumière qui leur manque, et je marchais dans la voie ténébreuse et glissante ; je vous cherchais hors de moi et je ne trouvais pas le Dieu de mon cœur. J’avais roulé dans la mer profonde, et j’étais dans la défiance et le désespoir de trouver jamais la vérité.

Et déjà j’avais auprès de moi ma mère. Elle était accourue, forte de sa piété, me suivant par mer et par terre, sûre de vous dans tous les dangers. Au milieu des hasards de la mer, elle encourageait les matelots mêmes qui encouragent d’ordinaire les novices affronteurs de l’abîme, et leur promettait l’heureux terme de la traversée, parce que, dans une vision, vous lui en aviez fait la promesse. Elle me trouva dans le plus grand des périls, le désespoir de rencontrer la vérité. Et cependant, quand je lui annonçai que je n’étais plus manichéen, sans être encore chrétien catholique, elle ne tressaillit pas de joie, comme à une nouvelle imprévue : son âme ne portait plus le deuil d’un fils perdu sans espoir ; mais ses pleurs coulaient toujours pour vous demander sa résurrection ; sa pensée était le cercueil où elle me présentait à Celui qui peut dire : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève— toi ! » afin que le fils de la veuve, reprenant la vie et la parole, fût rendu par vous à sa mère (Luc VII, 14, 15).

Son cœur ne fut donc point troublé par la joie en apprenant qu’une si grande quantité de larmes n’avait pas en vain coulé. Sans être encore acquis à la vérité, j’étais du moins soustrait à l’erreur. Mais certaine que vous n’en resteriez pas à la moitié du don que vous aviez promis tout entier, elle me dit avec un grand calme, et d’un cœur plein de confiance, qu’elle était persuadée en Jésus-Christ, qu’avant de sortir de cette vie, elle me verrait catholique fidèle. Ainsi elle me parla : mais en votre présence, ô source des miséricordes, elle redoublait de prières et de larmes afin qu’il vous plût d’accélérer votre secours et d’illuminer mes ténèbres ; plus fervente que jamais à l’église, et suspendue aux lèvres d’Ambroise, à la source « d’eau vive qui court jusqu’à la vie éternelle (Jean IV, 14) ; » elle l’aimait comme un ange de Dieu, elle savait que c’était lui qui, me réduisant aux perplexités du doute, avait décidé cette crise, dangereux, mais infaillible passage de la maladie à la santé.

Chapitre II, Elle se rend à la défense de Saint Ambroise.

2. Ma mère ayant apporté aux tombeaux des martyrs, selon l’usage de l’Afrique, du pain, du vin et des gâteaux de riz, le portier de l’église lui opposa la défense de l’évêque ; elle reçut cet ordre avec une pieuse soumission, et je l’admirai si prompte à condamner sa coutume plutôt qu’à discuter la défense (Saint Augustin, de venu évêque, imita saint Ambroise et attaqua cette coutume dont abusait l’intempérance. (Voir lett. 22 à Aurélien de Carthage, et lett. 29 à Alypius.). L’intempérance ne livrait aucun assaut à son esprit, et l’amour du vin ne l’excitait pas à la haine de la vérité, comme tant de personnes, hommes (406) et femmes, pour qui