Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/515

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je vous en supplie, pourquoi n’est-ce qu’après avoir nommé le ciel et la terre, invisible et sans forme, et les ténèbres répandues sur l’abîme, que votre Ecriture nomme l’Esprit-Saint ? Etait-il donc nécessaire, pour nous en suggérer la connaissance, de le représenter comme « porté au-dessus, » en désignant d’abord au-dessus de quoi ? Ce n’était ni au-dessus du Père, ni au-dessus du Fils, ni sans doute au-dessus de rien. Il fallait donc indiquer d’abord au-dessus de quoi il était porté, lui dont il était impossible de parler, sans le dire « porté. » Mais pourquoi ?

Chapitre VII, Effets du Saint-Esprit.

8. Et maintenant suive qui pourra de l’esprit le vol de l’Apôtre dans cette parole sublime : « La charité se répand dans nos cœurs « par le Saint-Esprit qui nous est donné ((Rom. V, 5) ; » soit qu’il nous enseigne les voies spirituelles et les voies suréminentes de l’amour, soit qu’il fléchisse le genou devant vous, pour nous obtenir la grâce d’être initiés « à la science suréminente de la charité du Christ ( Ephés. III, 14-19). » Et voilà pourquoi, suréminent dès le principe, il paraissait au-dessus des eaux.

Mais à qui parler ? mais comment parler de ce poids de concupiscence qui gravite vers l’abîme, et de l’attraction sublime de la charité par la vertu de votre Esprit, qui « planait sur « les eaux ? » Quel sera mon auditeur ? quelle sera ma parole ? On plonge, on surnage ; et il n’y a là ni fond, ni rive. Quelle similitude plus dissemblable ? Ce sont nos affections, ce sont nos amours, c’est l’impureté de notre esprit que précipite l’amour des soins de la terre ; et c’est la sainteté de votre Esprit qui nous soulève vers le ciel, par l’amour de la paix éternelle, afin que nos cœurs s’élèvent en haut jusqu’à vous, où votre Esprit plane sur les eaux, et que notre âme, après la traversée de ces eaux mobiles de la vie (Ps. CXXIII, 5), aborde à la suréminence du repos.

Chapitre VIII, L’union avec Dieu, unique félicité des êtres intelligents.

9. L’esprit de l’ange, l’âme de l’homme se sont dissipés dans leur chute comme l’eau qui s’écoule, et ils ont signalé l’abîme ténébreux où serait ensevelie toute créature spirituelle, si vous n’eussiez dit au comencement : « Que la lumière soit ! » ralliant à vous l’obéissance des esprits habitants de la cité céleste, pour assurer leur paix au sein de votre Esprit qui demeure immuable au-dessus de tout ce qui change. Autrement ce ciel du ciel ne serait par lui-même qu’abîme et ténèbres ; « et maintenant il est lumière dans le Seigneur ( Ephés. V, 8). » Et, en vérité, cette inquiétude malheureuse des intelligences déchues de votre lumière, leur splendide vêtement, et réduites aux haillons de leurs ténèbres, parle assez haut ; témoin éloquent de l’excellence où. vous avez élevé cette créature raisonnable, qui ne saurait se suffire : car il ne lui faut rien moins que vous-même pour qu’elle ait sa béatitude et son repos. « Vous êtes, ô mon Dieu, la lumière de nos ténèbres (Ps. XVII, 29), » notre robe de gloire ; « et notre nuit rayonne comme le jour à son midi (Ps. CXXXVIII, 12). » Oh ! donnez-vous à moi, mon Dieu ! rendez-vous à moi ! Je vous aime ; et si mon amour est encore trop faible, rendez-le plus fort. Je ne saurais mesurer ce qu’il manque à mon amour ; et combien il est au-dessous du degré qu’il doit atteindre, pour que ma vie se précipite dans vos embrassements, et ne s’en détache point qu’elle n’ait disparu tout entière dans les plus secrètes clartés de votre visage (Ps. XXX, 21). Tout ce que je sais, c’est que partout ailleurs qu’en vous, hors de moi, comme en moi, je ne trouve que malaise, et toute richesse qui n’est pas mon Dieu, n’est pour moi qu’indigence.

Chapitre IX, Pourquoi il est dit, seulement du Saint-Esprit, qu’il était porté sur les eaux.

10. Mais le Père, mais le Fils, n’étaient-ils pas portés au-dessus des eaux ? Si l’on se fait une idée de corps et d’espace, ces paroles ne conviennent plus même au Saint-Esprit. Si l’on y voit l’immuable suréminence de la divinité qui demeure au-dessus de tout ce qui change, le (503) Père,