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ceux qui ont passé par les périls vers lesquels il désire s'élancer. Votre affectueuse et douce sagesse comprend, d’'après le poème de ce jeune ami, accompagné de ma lettre, la peine, les craintes et les vœux dont il est l'objet dans mon cœur. J’espère que le Seigneur vous choisira pour me délivrer de mes vives inquiétudes. Comme vous devez lire plusieurs de mes écrits, votre amitié me sera douce, si juste et miséricordieux, vous me corrigez dans ce qui vous aura déplu et si vous me reprenez. Car vous, n'êtes pas ce pécheur dont je dois craindre, que l’huile ne parfume et n'engraisse ma tête[1].

Nos frères, non-seulement ceux qui habitent avec nous et ceux qui servent Dieu en d’autres lieux, mais presque tous ceux qui nous connaissent dans le Christ, saluent, vénèrent, désirent votre fraternité, votre sainteté, votre bonté. Je n’ose pas vous le demander ; mais si les fonctions ecclésiastiques vous laissaient du loisir, vous voyez de quoi l’Afrique a soif avec moi.

LETTRE XXVIII.

(394 ou 395.)
Après quelques lignes d’un grand charme sur son ami Alype, saint Augustin, dans cette première lettre à saint Jérôme, regrette que l’illustre solitaire de Bethléem ait entrepris une nouvelle version des saintes Écritures après la Septante ; ses appréhensions à cet égard n’étaient pas justifiées. – On sait que les traductions de saint Jérôme sont connues et consacrées dans l’Église sous le nom de Vulgate, et que c’est le concile de Trente qui leur a donné ce nom. Nous avons raconté dans l’Histoire de saint Augustin la célèbre dispute du docteur d’Hippone avec le solitaire de la Palestine, au sujet d’un passage de l’Épître aux Galates ; on trouvera ici le sentiment de saint Augustin sur cette question ; la discussion se déroulera dans la suite des Lettres.

AUGUSTIN À SON TRÈS-CHER FRÈRE ET SEIGNEUR JÉRÔME, SON COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, TRÈS-DIGNE D’ÊTRE RESPECTÉ ET AIMÉ PAR LE PLUS SINCÈRE CULTE DE CHARITÉ.

1. Jamais visage ne s’est mieux retracé aux yeux d’un ami que je ne voie le paisible, le doux et noble travail de vos études dans le Seigneur. Au milieu de mon vif désir de vous connaître tout entier, il ne me manque pourtant que la moindre partie de vous-même ; la présence de votre corps. Et même, après que notre frère Alype, alors déjà digne de l’épiscopat et aujourd’hui très-saint évêque, vit votre personne, ce qu’il m’en dit, à son retour, m’en imprima l’image dans l’esprit : pendant qu’il vous voyait, je vous voyais aussi, mais avec ses yeux. Quiconque nous connaît l’un et l’autre trouve que nous ne sommes deux que de corps, tant il y a entre lui et moi un même esprit, une union et une amitié parfaites ! Nous sommes un en toutes choses, excepté en mérite, car il en a beaucoup plus que moi. Comme vous m’aimez d’abord par la communion spirituelle qui nous unit, ensuite par tout ce qu’Alype vous a dit de moi, ce ne sera pas mal agir, ni agir en inconnu, si je recommande à votre fraternité notre frère Profuturus qui, je l’espère, par mes efforts et votre secours, réussira, selon l’heureux présage de son nom. Tel est d’ailleurs son mérite, qu’il est plus capable de me recommander à vous que je ne le suis moi-même de vous le recommander. Je devrais peut-être m’arrêter ici, si je voulais m’en tenir aux habitudes des lettres de cérémonie ; mais mon esprit a grande envie de se laisser aller en conversation avec vous sur nos études communes en Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui a daigné nous donner, par le ministère de votre charité, tant d’utiles trésors et comme un viatique pour suivre le chemin qu’il nous a montré.

2. Nous vous demandons, et toute la studieuse société des Églises d’Afrique demande avec nous, que vous ne craigniez pas de donner vos soins à traduire les ouvrages de ceux qui ont le mieux écrit en grec sur nos livres sacrés. Vous pouvez faire que nous possédions, nous aussi, ces grands hommes, celui surtout dont vous faites le plus volontiers retentir le nom dans vos lettres. Mais je ne voudrais pas vous voir appliqué à traduire en langue latine les saintes lettres canoniques, à moins de faire comme vous avez fait sur Job, en marquant par des signes chaque différence entre votre version et celle des Septante, qui garde jusqu’ici le plus d’autorité. Je ne puis assez m’étonner, s’il reste encore quelque chose à faire dans le texte hébreu, que cela ait échappé à tant d’habiles interprètes. Je ne dis rien des Septante, qui se sont montrés plus d’accord entre eux de sentiment et d’esprit qu’un seul homme ne saurait l’être avec lui-même ; je n’ose, sur ce point, prononcer un jugement, si ce n’est qu’on doit reconnaître sans discussion que l’autorité des Septante l’emporte sur toute autre. Ce que je ne m’explique pas, c’est le

  1. Psaume CXL, 6.