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chapitre huitième.

et de l’erreur ? Pourquoi aller chercher les oracles de Dieu dans les entrailles des bêtes mortes ? Et lorsqu’il s’agit de parler de ces matières, pourquoi aimer mieux avoir Platon à la bouche que Dieu dans le cœur[1] ? »

« Les platoniciens, les philosophes qui s’inspirent aujourd’hui encore des doctrines de Platon, doivent reconnaître Dieu en cette rencontre, et s’incliner devant le maître qui a convaincu de ces vérités tous les peuples du monde. Qu’ils cèdent à celui qui a accompli cette grande merveille, et que leur curiosité ou leur vaine gloire ne les empêche pas de reconnaître la différence qu’il y a entre les conjectures superbes d’un petit nombre de philosophes, et le salut manifeste et la réforme de toutes les nations[2]. »

Ces derniers mots sont bien dignes d’être médités par les esprits prévenus qui, de nos jours encore, s’obstinent à ne voir dans Jésus-Christ, Messie annoncé, Sauveur de la race humaine tombée, que le continuateur naturel de Platon.

Le chapitre V renferme une remarquable parole : « Nous croyons et nous enseignons comme fondement du salut des hommes, dit Augustin, que la philosophie, c’est-à-dire l’amour de la sagesse et la religion, sont une même chose[3]. »

La vraie religion n’est pas dans la confusion du paganisme, ni dans l’impureté de l’hérésie, ni dans la langueur du schisme, ni dans l’aveuglement du judaïsme, qui n’attend de Dieu que des biens visibles et passagers ; mais elle est seulement parmi les chrétiens catholiques qui gardent la pureté des mœurs et la vérité de la doctrine.

Quelquefois, dit Augustin, des injustices s’accomplissent ; des chrétiens vertueux sont chassés de la communion de l’Église par des troubles et le tumulte que les méchants excitent contre eux. Alors ceux-là sont couronnés en secret par le père qui les voit dans le secret[4].

Le premier fondement de la religion catholique, c’est l’histoire, c’est la prophétie qui découvre la conduite de la Providence divine dans le cours des temps, pour le salut des hommes, afin de leur donner une nouvelle naissance, et de les rétablir dans la possession de la vie perdue. L’ineffable bonté du père commun des hommes s’est servie des choses muables soumises à l’ordre immuable de ses lois pour révéler à tout le monde la suprême perfection de sa nature. C’est ce qu’elle a fait par l’établissement de la religion chrétienne dans les derniers temps. Saint Augustin, au livre Ier, chap. XII, de sa Revue, a noté cette pensée, qui semble présenter le christianisme comme une œuvre nouvelle ; il remarque que la religion chrétienne a précédé l’apparition du Sauveur sur la terre, et qu’elle existait dans les premiers hommes qui croyaient à la naissance, à la mort, à la résurrection future du Messie. Il aurait pu citer un mot de Tertullien qui proclame le Christ ancien dans ses révélations nouvelles. O Christum et in novis veterem !




CHAPITRE NEUVIÈME.




Continuation du même sujet.

Avant de descendre plus avant dans les profondeurs de son sujet, Augustin recommande une grande attention à son ami Romanien, à qui le livre De la véritable Religion est adressé ; il lui répète que s’il y trouve quelque vérité, il doit la recevoir et l’attribuer à l’Église catholique, et que s’il y trouve quelque erreur, il doit la rejeter et la lui pardonner comme à un homme[5]. N’oublions pas qu’Augustin écrivait en face des païens et des manichéens, et surtout contre ces derniers.

  1. Chap. 3.
  2. Ergo cedant ei a quo factum est, nec curiositate aut inani.jactantia impediantur quominus agnoscant quid intersit inter paucorum tumidas conjecturas et manifestam salutem correptionemque populorum. Cap. 4.
  3. Sic enim creditur et docetur quod est humanae salutis capot, non aliam esse philosophiam id est sapientiae studiuma et aliam religionem. Cap. 5.
  4. Chap. 6.
  5. Chap. 10.