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chapitre douzième.

doit pas être de ces hommes qui répandent sur la tête le parfum de flatterie que redoutait le roi-prophète. L’année suivante, dans une lettre écrite à Romanien, Paulin adressait à Licentius une allocution moitié en prose, moitié en vers, pour le presser d’écouter la voix d’Augustin, et d’aller à Dieu, qui est placé au-dessus des incertitudes de la vie et De la fragilité des empires.

Les deux derniers écrits d’Augustin avant son épiscopat, sont le livre De la Continence et le livre Du Mensonge, que nous devons distinguer d’un autre livre Contre le Mensonge, composé vingt-cinq ans plus tard. Le prêtre d’Hippone attaque vivement, dans cet écrit, l’opinion de ceux qui attribuaient à saint Paul (Épître aux Galates) un mensonge officieux. Nous verrons dans son lieu la dispute d’Augustin avec le vieux Jérôme, l’illustre solitaire de Bethléem.




CHAPITRE DOUZIÈME.




Le Traité du Libre arbitre. — Traité du Libre arbitre par Bossuet.

(395.)


Il nous faut placer ici un ouvrage d’Augustin, commencé à Rome après la mort de sa sainte mère, continué en Afrique dans la retraite de Thagaste, et qui ne fut achevé qu’en 395 ; cet ouvrage est le Traité du libre arbitre, traité important parmi tous ceux où Augustin creuse les grandes questions de cette métaphysique chrétienne dont il est le créateur. Dans le Traité du libre arbitre, divisé en trois livres, de même qu’en des ouvrages dont nous avons parlé précédemment, la sagesse éternelle est montrée à l’homme comme son souverain bonheur ; de vives clartés sont répandues pour résoudre le problème de l’origine du mal et de la prescience divine. Le pélagianisme n’avait pas encore paru ; Augustin ne touche que légèrement aux questions de la grâce ; toutefois, le peu qu’il en dit est conforme à la doctrine qu’il soutiendra avec tant de force et d’autorité, lorsque Pélage et Célestius auront levé leur drapeau. Le Traité du libre arbitre a la forme du dialogue ; saint Augustin adoptait fréquemment cette forme, qui était propre aux philosophes anciens. Il s’entretient dans cet ouvrage avec son ami Évode, le même qui a été son interlocuteur dans le dialogue sur la Grandeur de l’âme. Recueillons quelques traits de ce beau travail.

Après avoir établi que rien dans la création n’égale la raison humaine en excellence, et qu’au-dessus de cette raison humaine il existe un souverain bien, une sagesse infinie, source de toute perfection et de toute joie, Augustin s’afflige et s’étonne de voir les hommes douter du bonheur qui s’attache à la possession de la vérité. Les uns, séduits par des attraits périssables auprès d’une épouse aimée, ou même auprès d’une courtisane, s’écrient qu’ils sont heureux ; et nous, quand nous tenons la vérité entre nos mains, nous doutons si nous le sommes Les autres, pressés par la soif et arrivés au bord d’une source pure, ou pressés par la faim et prenant place à un festin abondant et délicat, répètent qu’ils sont heureux ; et lorsque la vérité désaltère et nourrit notre intelligence, nous n’avons pas encore le bonheur 1 Ceux-ci se proclament heureux au milieu des fleurs et des parfums, et le souffle de la vérité ne nous semble pas un parfum assez suave ! Ceux-là sont ravis, jusqu’à l’extase, d’une belle voix, des sons mélodieux d’un instrument, et nous, quand l’éloquent et harmonieux silence de la vérité pénètre dans notre âme par des routes inconnues, nous cherchons ailleurs la vie heureuse ! L’or et l’argent, l’éblouissante blancheur des perles, le vif éclat des flambeaux sur la terre et des astres dans le ciel, qui ne s’adressent qu’aux yeux, procurent de grandes jouissances à des cœurs humains, et nous, quand la vérité vient éclairer notre raison avec ses splen-