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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/134

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douceur sont si grandes, tandis que ceux de votre parti commettent véritablement les actions les plus détestables ; quant au baptême, nous ne cherchons pas où il est, mais où il peut servir à quelque chose. Partout où il est, il est le même ; mais celui qui le reçoit n’est pas le même, quelque part qu’il soit. Nous détestons dans le schisme l’impiété particulière des hommes ; mais nous vénérons partout le baptême du Christ : lorsque les déserteurs emportent avec eux les drapeaux de l’empereur, on reprend tout entiers ces drapeaux si on les retrouve entiers, soit que l’on condamne les déserteurs, soit qu’ils aient mérité leur grâce. Et si on veut s’occuper plus particulièrement de cette question, elle est à part, comme je l’ai dit. Car il faut observer en ces choses ce qu’observe l’Église de Dieu.

10. Ce qui est en discussion, c’est de savoir si c’est vous ou nous qui formons l’Église de Dieu. Il faut donc remonter à l’origine même et au motif du schisme. Si vous ne me répondez pas, j’aurai, je crois, avec Dieu un compte facile ; puisque j’ai écrit des lettres de paix à un homme que je savais être, au schisme près, bon et éclairé. Vous verrez ce que vous aurez à dire à ce Dieu dont maintenant on doit admirer la patience, mais dont à la fin on devra redouter l’arrêt. Mais si vous me répondez avec ce désir de la vérité qui me porte à vous écrire, la miséricorde divine permettra qu’un jour l’erreur qui nous sépare soit vaincue par, l’amour de la paix et l’évidence des raisonnements. Souvenez-vous que je ne vous dis rien des rogatistes[1] qui vous appellent, dit-on, firmiens comme vous nous appelez macariens; que je ne vous dis rien de votre collègue de Rucate[2] qui avant d’ouvrir à Firmin les portes de la ville, stipula avec lui pour la préservation de ceux de son parti et livra ensuite à sa discrétion les catholiques et d’autres choses sans nombre. Cessez donc d’exagérer dans des lieux communs les actions des nôtres que vous avez pu voir ou apprendre. Vous voyez ce que j’omets sur le compte des vôtres, pour ne m’occuper que de l’origine même du schisme qui fait tout le fond de la question. Que le Seigneur notre Dieu vous inspire une pensée de paix, ô cher et désirable frère !

LETTRE LXXXVIII.

(Au commencement de l’année 406.)

Cette lettre, où saint Augustin fait parler son clergé, est une des plus importantes, dans la question des donatistes, par les pièces et les détails curieux qu’elle renferme, par l’expression de la véritable attitude des catholiques en face des schismatiques africains, et par l’éloquente animation du langage. Janvier, à qui elle s’adresse, était évêque donatiste des Cases Noires en Numidie, et le primat de son parti à cause de son grand âge.

LES CLERCS CATHOLIQUES DU PAYS D’HIPPONE À JANVIER.

1. Vos clercs et vos circoncellions exercent contre nous des persécutions d’un nouveau genre et d’une cruauté inouïe. S’ils rendaient le mal pour le mal, ce serait déjà violer la loi du Christ, Mais après avoir considéré tous nos actes et les vôtres, il se trouve que nous souffrons ce qui est écrit dans un psaume : « Ils me rendaient le mal pour le bien[3], » et dans un autre « J’étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix ; quand je leur parlais, ils m’attaquaient sans raison[4]. » En effet, votre âge si avancé nous permet de croire que vous savez parfaitement que le parti de Donat, appelé auparavant à Carthage le parti de Majorin, cita spontanément Cécilien, alors évêque de Carthage, devant l’empereur Constantin l’ancien. Mais de peur que vous ne l’ayez oublié ou que vous ne fassiez semblant de l’ignorer, ou même que vous ne le sachiez pas, ce que nous ne croyons point pourtant, nous mettons dans cette lettre une copie du rapport du proconsul Anulin, sommé par le parti de Majorin de porter à la connaissance de l’empereur les crimes que ce parti reprochait à Cécilien.

À Constantin Auguste, Anulin, homme consulaire, proconsul d’Afrique.

Mon humble dévouement a eu soin de communiquer les ordres célestes et adorés de votre majesté, consignés dans mes registres, à Cécilien et à ceux qui sont sous lui, et qu’on appelle des clercs ; je les ai exhortés à s’entendre tous pour faire l’unité, à reconnaître les bienfaits de votre majesté, qui les dispense de toute charge, et, en demeurant dans l’Église catholique, à redoubler de respect envers la sainteté de la loi, et de zèle dans le service des choses divines. Mais peu de jours

  1. Les rogatistes étaient un parti de donatistes. Ils étaient appelés ainsi du nom de leur chef, l’évêque Rogat.
  2. Ce nom, diversement écrit dans les anciens manuscrits, est le même que Rusicade. Notre ville actuelle de Philippeville en occupe l’emplacement (voir notre Voyage en Algérie, Études Africaines, chap. X).
  3. Ps. XXXIV, 12
  4. Ps. CXIX, 9