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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/173

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chose de plus conforme à la vérité ou si vous pouvez l’apprendre par des docteurs, j’attends vivement vos communications. Repassez encore ma lettre[1] à laquelle le départ précipité du diacre vous a obligé de répondre en si grande hâte ; je ne me plains pas de cette promptitude, je vous la rappelle, afin que vous me rendiez aujourd’hui ce qu’on ne vous a pas laissé le temps de me donner. Dites-moi ce que vous pensez sur l’importance du repos chrétien pour s’avancer dans l’étude de la sagesse chrétienne, et sur le repos que je vous croyais et qui, d’après ce qu’on m’annonce, est troublé par d’incroyables occupations ; cherchez et voyez ce que j’avais désiré savoir de vous. (Et d’une autre main.) Souvenez-vous de nous ; vivez heureux, saints de Dieu, qui faites nos grandes joies et nos consolations. 

LETTRE XCVI.


(Année 408.)

Olympe, à qui cette lettre est adressée, est le hardi personnage qui sut s’emparer de l’esprit de l’empereur Honorius et organiser le complot par suite duquel succombèrent Stilicon et ses amis. Il prit la place du ministre ambitieux et perfide dont la chute fut une joie pour les catholiques de l’Occident. Cette lettre doit être du mois de septembre 408, puisque Stilicon périt le 23 août et que la nouvelle de l’élévation d’Olympe à la dignité de maître des offices de l’Empire n’était répandue en Afrique que comme un bruit. Saint Augustin recommande à Olympe une affaire d’un de ses collègues dans l’épiscopat.

AUGUSTIN A SON TRÈS-CHER SEIGNEUR ET FILS OLYMPE, SI DIGNE D’ÊTRE AIMÉ PARMI LES MEMBRES DU CHRIST.

1. Quelque rang que vous occupiez selon ce monde qui passe, nous n’écrivons pas moins avec confiance à notre cher Olympe, serviteur, comme nous, de Jésus-Christ ; nous savons qu’à vos yeux ce titre surpasse toute gloire et qu’il est au-dessus de toute grandeur. Nous avons entendu dire que vous étiez monté en dignité ; en ce moment où s’offre à nous une occasion de vous écrire, la nouvelle de votre élévation ne nous est pas encore confirmée. Mais nous n’ignorons pas que vous avez appris du Seigneur à ne pas mettre votre joie dans les grandeurs humaines, mais à condescendre à ce qui est humble, et c’est pourquoi, à quelque rang que vous soyez parvenu, nous présumons que vous continuerez à recevoir nos lettres avec votre bienveillance d’autrefois, très-cher seigneur et fils, digne d’être aimé parmi les membres du Christ. Nous ne doutons pas que vous n’usiez sagement des prospérités temporelles en vue des biens éternels, et qu’en obtenant plus de pouvoir dans un terrestre empire, vous ne donniez plus de soins à cette cité céleste qui vous a enfanté dans le Christ : ces services vous seront payés avec abondance dans la région des vivants, et dans la paix véritable des joies sans trouble et sans fin.

2. Je recommande de nouveau à votre charité la requête de mon saint frère et collègue Boniface : peut-être ce qui n’a pu être fait jusqu’ici pourra-t-il l’être maintenant. Mon saint collègue pourrait peut-être garder sans aucune difficulté ce que son prédécesseur avait acquis, quoique sous un nom étranger, et ce qu’il avait commencé à posséder comme bien de l’Église : mais, parce que ce prédécesseur était resté débiteur du fisc, nous ne voulons pas avoir ce scrupule sur la conscience. Une fraude, faite aux dépens du fisc, n’en est pas moins une fraude. Ce Paul[2], après son élévation à l’épiscopat, devait renoncer à tous ses biens, a cause de l’immensité de ses dettes envers le fisc ; du montant d’un engagement qu’il s’était fait payer et qui représentait une certaine somme d’argent, il acheta, comme pour l’Église, ces petites pièces de terre dont les revenus devaient le nourrir ; il les acheta sous le nom d’une maison aloi s puissante, afin de n’en rien payer au fisc, suivant sa coutume, et de n’être en rien molesté. Mais Boniface, en succédant à Paul après sa mort, n’a pas osé se mettre en possession de ces champs ; et, quoiqu’il eût pu tout simplement demander à l’empereur la remise de ce qui est dû au fisc pour ces petits quartiers de terre, il a mieux aimé avouer que Paul les avait achetés de son propre argent, dans une vente forcée, tandis qu’il était redevable au fisc ; et il désire que l’Église, si c’est possible, possède ce bien par la libéralité manifeste d’un empereur chrétien et non point par la secrète injustice d’un évêque. Si cela ne ce peut, les serviteurs de Dieu préfèrent la souffrance de la pauvreté à la jouissance d’un bien illégitimement acquis.

3. C’est pour cela que nous vous prions de nous accorder votre concours ; Boniface n’a pas voulu alléguer ce qu’il avait d’abord obtenu, de peur de fermer la porte au succès de ses supplications nouvelles ; car ce n’était pas

  1. Cette lettre de saint Augustin est perdue.
  2. Paul était le nom du prédécesseur de Boniface sur le siège de Cataigue.