Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/180

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monde ; et plût à Dieu qu’au milieu de ces grands et terribles ébranlements, ce qui est jeune et flexible pût au moins se corriger ! Que vous dirai-je de cette maison, sinon que je rends grâces à vos soins obligeants ? Ils ne veulent pas de celle que nous pouvons donner ; nous ne pouvons pas donner celle qu’ils veulent. C’est à tort qu’on leur a dit que cette maison a été un legs fait à l’Église par mon prédécesseur ; car elle fait partie de ses anciens fonds, et tient à une ancienne église, comme celle dont il s’agit tient à une autre[1]. 

LETTRE C.


(Au commencement de l’année 402.)

Nous recommandons à l’attention sérieuse de nos lecteurs cette lettre de saint Augustin adressée au proconsul d’Afrique ; elle nous donne la vraie pensée de l’évéque d’Hippone sur la conduite à tenir envers les dissidents et complète ce qu’il a dit dans la fameuse lettre à Vincent, ci-dessus, page 439.

AUGUSTIN A SON ILLUSTRE SEIGNEUR ET TRÈSHONORABLE FILS DONAT, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Je ne voudrais pas voir l’Église d’Afrique tristement obligée de recourir aux puissances temporelles ; mais comme toute puissance vient de Dieu, selon la parole de l’Apôtre[2], quand l’Église catholique notre mère est protégée par des enfants aussi dévoués que vous, alors, sans aucun doute, notre secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre[3]. Qui ne sent en effet quelle consolation Dieu nous envoie dans ces grandes calamités, lorsqu’un homme tel que vous et très-attaché au nom du Christ, est élevé aux honneurs proconsulaires, et que la puissance aide en lui la bonne volonté, pour arrêter les audacieuses et sacrilèges entreprises des ennemis de l’Église, illustre seigneur et très-honorable fils ? Nous craignons une seule chose dans votre justice, c’est qu’en considérant combien les violences commises par l’impiété et l’ingratitude contre la société chrétienne l’emportent en gravité et en atrocité sur les violences qui se commettent envers les autres hommes, vous ne vous préoccupiez peut-être, dans la répression, que de l’énormité des

crimes et non pas de la mansuétude de notre religion : nous vous conjurons, au nom de Jésus-Christ, de n’en rien faire. Car nous ne cherchons pas à nous venger de nos ennemis sur cette terre, et, quelles que soient nos souffrances, elles ne doivent pas nous resserrer le cœur jusqu’à nous faire oublier les prescriptions de celui pour la vérité et le nom duquel nous souffrons : nous ai trions nos ennemis et nous prions pour eux. Ce n’est pas leur mort, c’est leur religieux retour que nous désirons par ces juges et ces lois terribles., de peur qu’ils n’encourent les peines du jugement éternel ; nous voulons qu’on les corrige et non qu’on les livre aux supplices qu’ils ont mérités. Réprimez donc leurs fautes, mais ne leur ôtez pas avec la vie le pouvoir de s’en repentir.

2. Donc, nous vous le demandons : quand vous prenez en main la cause d’une Église quelconque, quelle que soit la gravité des injustices dont elle a eu à souffrir, oubliez que vous avez le pouvoir de faire mourir, mais n’oubliez pas notre prière[4]. Honorable et bien-aimé fils, ne regardez pas comme quelque chose de petit et de méprisable cette prière que nous vous adressons pour que vous ne mettiez pas à mort ceux dont nous demandons à Dieu la conversion. Sans compter que nos efforts doivent toujours tendre à vaincre le mal par le bien, votre sagesse remarquera qu’il appartient aux ecclésiastiques seuls de vous saisir de causes ecclésiastiques. Si donc en ces matières vous croyez devoir prononcer des condamnations à mort, vous nous empêcheriez de soumettre à votre justice des affaires de ce genre ; les donatistes, dès qu’ils viendraient à s’en apercevoir, s’acharneraient contre nous avec plus d’audace, et nous feraient payer cher notre résolution de nous laisser tuer par eux, plutôt que de livrer leur vie à la sévérité de vos jugements. Je vous en prie, n’accueillez point par le dédain ce conseil, cette demande, cette supplication. Car vous n’oubliez pas, sans doute, que quand même je ne serais pas évêque et que vous seriez élevé plus haut, je pourrais m’adresser encore à vous avec grande confiance. Pour le moment, qu’une déclaration de Votre Excellence fasse connaître aux hérétiques donatistes que les lois portées contre eux demeurent dans

  1. Cette affaire de maison, qui touchait aux intérêts de la communauté de saint Augustin est un détail particulier qu’il nous est impossible d’éclaircir pleinement ; c’est, du reste, de mince importance pour nous. La lettre nous semble se terminer brusquement, et peut-être n’en avons-nous pas la fin.
  2. Rom. XIII, 1.
  3. Ps. CXX, 2.
  4. Ces lignes suffiraient pour répondre à toutes les accusations de violence dont saint Augustin a été l’objet.