Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/43

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du baptême, la coupable, division de l’héritage du Christ répandu au milieu de toutes les nations. Non-seulement dans nos livres, mais dans ceux qui sont entre leurs mains, nous mentionnons des Églises dont ils lisent les noms sans être en communion avec elles ; lorsqu’ils prononcent le nom, de ces Églises dans leurs assemblées, ils disent au lecteur : la paix soit avec vous ! et ils n’ont pas la paix avec ces mêmes peuples auxquels ces paroles sont adressées. Ils nous reprochent des crimes faussement attribués à des hommes qui sont morts, des crimes étrangers à la question s’ils étaient vrais ; ils ne comprennent pas qu’ils se trouvent tous enveloppés dans les griefs que nous faisons peser sur eux, et que leurs accusations contre nous n’atteignent que la paille et l’ivraie de la moisson du Seigneur et non pas le froment ; ils ne considèrent pas que tout en restant uni aux méchants, on ne communique avec eux qu’en approuvant leurs œuvres ; ceux à qui leurs œuvres déplaisent et qui ne peuvent pas les corriger, mais les supportent, de peur qu’en arrachant l’ivraie avant l’époque de la moisson, ils n’arrachent en même temps le froment, ce n’est pas avec leurs méfaits, mais avec l’autel du Christ qu’ils 'demeurent en communion ; non-seulement ils n’en sont pas souillés, mais ils méritent d’être loués par les divines paroles : ne voulant point que les horreurs du schisme outragent le nom du Christ, ils tolèrent pour le bien de l’unité ce qu’ils détestent pour le bien de la justice.

22. S’ils ont des oreilles, qu’ils entendent ce que l’Esprit dit aux Églises ; car on lit dans l’Apocalypse de saint Jean : « Écris à l’ange de l’Église d’Ephèse ; voici ce que dit Celui qui tient sept étoiles dans sa main droite, et qui marche au milieu des sept chandeliers d’or : Je connais tes œuvres, et ton travail et ta patience ; je sais que tu ne peux souffrir les méchants ; tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas. Tu les as trouvés menteurs, et tu uses de patience à leur égard, et tu les as supportés à cause de mon nom, et tu ne t’es point découragé[1]. » Si l’Écriture voulait parler de l’ange des cieux supérieurs et non point des chefs de l’Église, elle ne continuerait pas ainsi : « Mais j’ai contre toi que tu as abandonné ta première charité. Souviens-toi donc d’où tu es tombé, et fais pénitence, et reprends tes premières œuvres ; autrement je viendrai à toi et j’ôterai ton « chandelier de sa place si tu ne fais pénitence[2]. » Cela ne peut être dit des anges du ciel, qui conservent toujours la charité : ceux qui en sont déchus, ce sont-le démon et ses anges. La première charité dont il s’agit ici est donc celle par laquelle l’ange d’Ephèse a supporté les faux apôtres à cause du nom du Christ, celle à laquelle on lui ordonne de revenir pour qu’il ait à recommencer ses premières œuvres. Et nos ennemis nous reprochent les crimes de quelques méchants, des crimes qui nous sont étrangers, même inconnus pour la plupart ; s’ils étaient vrais et que nous les vissions de nos yeux, et que, ménageant l’ivraie par respect pour le froment, nous tolérassions les coupables dans une pensée d’unité ; quiconque entend les Écritures saintes sans être sourd de cœur, non-seulement ne nous jugerait dignes d’aucun blâme, mais au contraire nous décernerait de grandes louanges.

23. Aaron tolère la multitude qui veut avoir une idole, qui la fabrique et l’adore. Moïse tolère des milliers de juifs murmurant contre Dieu et des offenses si souvent répétées contre son saint nom. David tolère Saül son persécuteur, qui abandonnait le ciel par des mœurs criminelles et interrogeait l’enfer parla magie ; il le venge quand on le tue, et l’appelle le Christ du Seigneur par respect pour le mystère de l’onction sacrée. Samuel tolère les coupables fils d’Héli et ses propres fils, coupables comme eux ; le peuple n’ayant pas voulu les supporter, il fut repris par la vérité divine et châtié par la divine sévérité : Samuel tolère le peuple lui-même, superbe contempteur de Dieu. Isaïe tolère ceux à qui il reproche avec vérité tant de crimes. Jérémie tolère ceux de qui il a tant à souffrir. Zacharie tolère les pharisiens et les scribes, tels que l’Écriture nous les représente à cette époque. Je sais que j’en passe plusieurs ; lise qui voudra, lise qui pourra les célestes paroles, on verra que tous les saints serviteurs et amis de Dieu ont toujours eu à tolérer avec leur peuple ; leur union avec les mauvais dans les sacrements de ce temps-là, loin d’être une souillure, était au contraire un motif de louange ; « ils s’appliquaient, comme dit l’Apôtre, à garder l’unité de l’esprit dans le lien de la paix[3]. » Qu’on réfléchisse aussi à ce qui s’est passé depuis l’avènement du Seigneur ; les exemples de tolérance seraient bien plus

  1. Apoc. II, 1-3
  2. Apoc. II, 4, 5
  3. Ephés. IV, 3