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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/454

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s’élève au-dessus, » parce que plusieurs sont recueillis par miséricorde, mais ce sont ceux qui ont fait miséricorde. « Bienheureux les miséricordieux, parce que Dieu aura pitié d’eux[1] ! »

20. Il est juste qu’il leur soit pardonné, car ils ont pardonné, et qu’il leur soit donné, car ils ont donné. En effet, Dieu est miséricordieux quand il juge et juste quand il fait miséricorde. C’est pourquoi on lui dit : « Je chanterai, Seigneur, votre miséricorde et votre justice[2]. » Celui qui se croit trop juste pour avoir besoin d’être jugé avec miséricorde et qui pense pouvoir attendre en toute sûreté, s’expose à la juste colère que redoutait celui qui disait : « N’entrez pas en jugement avec « votre serviteur[3]. » C’est pourquoi il a été dit à un peuple rebelle : « Pourquoi voulez-vous contester avec moi[4] ? » Lorsque le Roi juste sera assis sur son trône, qui se vantera d’avoir le cœur pur ou d’être exempt de tout péché ? Que faudra-t-il espérer, sinon que la miséricorde s’élève au-dessus du jugement ? Ce sera au profit de ceux qui auront fait miséricorde et qui auront dit en toute sincérité : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons : » au profit de ceux qui auront donné sans murmurer contre le pauvre ; car Dieu aime celui qui donne avec joie[5]. À la fin, saint Jacques parle des œuvres de miséricorde pour consoler ceux qu’il avait épouvantés. Il dit comment on expie chaque jour ces fautes quotidiennes dont nul n’est exempt ici-bas. Il craint que l’homme, coupable de la violation de toute la loi dès qu’il l’a violée en un seul point, après avoir enfreint plusieurs préceptes, car nous péchons en beaucoup de choses, n’arrive au tribunal du Juge suprême chargé d’un amas de fautes peu à peu entassées, et ne trouve pas la miséricorde qu’il n’aurait pas faite lui-même. Il veut qu’en pardonnant et en donnant il mérite que ses péchés lui soient pardonnés, et qu’à son égard s’accomplissent les promesses de Dieu !

21. J’ai dit beaucoup de choses qui, peut-être, vous ont ennuyé, tout en recevant votre approbation ; vous n’attendiez pas qu’on vous les apprît, vous qui avez coutume de les enseigner. S’il s’y rencontre pour le fond (car le soin du langage m’occupe peu), s’il s’y rencontre, dis-je, quelque chose qui choque votre science, je vous prie de m’en avertir dans votre réponse et de ne pas craindre de me reprendre. Malheureux est celui qui n’honore pas les grands et saints travaux de vos études, et n’en rend pas grâce au Seigneur notre Dieu qui vous a fait ce que vous êtes ! Comme je dois apprendre plus volontiers de qui que ce soit ce que j’ignore que je ne dois être pressé d’enseigner ce que je sais, combien dois-je mieux aimer recourir à votre charité, à vous dont la science, au nom et à l’aide du Seigneur, a fait plus qu’on n’avait jamais fait auparavant pour l’étude des saintes lettres dans la langue latine ! Je tiens surtout à l’explication de ce passage : « Quiconque ayant gardé toute la loi, la viole en un seul point, est coupable comme s’il l’avait violée tout entière ; » si votre charité tonnait une meilleure manière que la mienne d’entendre, je vous conjure, au nom du Seigneur, de vouloir bien me la communiquer.

LETTRE CLXVIII.

(Année 415.)

Timase et Jacques, deux jeunes hommes, nobles et lettrés, s’étaient laissé prendre aux doctrines de Pélage et avaient eu le bonheur d’être éclairés par saint Augustin. Ils envoyèrent à l’évêque d’Hippone un ouvrage du novateur breton, en forme de dialogue, où la grâce chrétienne recevait de graves atteintes ; ils priaient le saint docteur de réfuter cet ouvrage. C’est ce que fit saint Augustin par son livre De la Nature et de la Grâce[6] ; il en adressa une copie à Timase et à Jacques, et ceux-ci écrivirent à l’évêque d’Hippone une lettre de remerciement : c’est la lettre qu’on va lire, tirée desGestes de Pélage.

TIMASE ET JACQUES A L’ÉVÊQUE AUGUSTIN, LEUR SEIGNEUR VÉRITABLEMENT BIENHEUREUX ET LEUR VÉNÉRABLE PÈRE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

La grâce de Dieu, au moyen de votre parole, bienheureux seigneur et vénérable Père, nous a tellement fortifiés et renouvelés, que nous avons dit comme de véritables frères : « Il a envoyé sa parole et les a guéris[7]. » Votre sainteté a en quelque sorte vanné avec tant de soin le texte de cet ouvrage, que nous trouvons, à notre grande surprise, une réponse à chaque détail, à chaque subtilité, soit dans les choses qu’un chrétien doit rejeter, détester et fuir, soit dans celles où l’auteur n’a pas positivement erré, quoique lui-même, par je ne sais quelle ruse, aboutisse à la suppression de la grâce de Dieu. Un regret se mêle à la joie que nous cause un si grand bienfait, c’est que ce beau présent de la grâce de Dieu ait brillé tard : nous

  1. Matth. V, 7.
  2. Ps. C, 1.
  3. Ibid. CXLII, 2.
  4. Jérém. II, 29.
  5. II Cor. IX, 7.
  6. Voyez l'Histoire de saint Augustin, chap. XXXV.
  7. Psa. 106,20