Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/520

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512 LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. TROlSIÈiME SERIE. quoique sa passion n’ait concerné que son corps ; ainsi le Sauveur a pu dire : « Tu seras « aujourd’liui avec moi en paradis ; » car , quoique selon les abaissements de son huma- nité son corps dût être ce jour-là dans un sé- pulcre et que son àme dut descendre dans les enfers ; comme Dieu et dans l’immutabilité de sa nature , il n’était jamais sorti du paradis parce qu’il est partout. 10. Ne mettez donc point en doute que Jé- sus-Christ homme soit maintenant là d’où il doit venir ; n’oubliez pas et gardez fidèlement ce que la foi chrétienne nous enseigne , savoir que le Christ est ressuscité d’entre les morts , qu’il est monté au ciel, qu’il est assis à la droite du Père, et que c’est de là qu’il viendra juger les vivants et les morts. Il doit venir, d’après le témoignage des deux anges S de la même manière qu’il a été vu montant au ciel, c’est- à-dire avec la même forme et le même corps , à qui il a donné l’immortalité sans lui rien ôter de sa nature. Ce n’est point selon cette forme corporelle que le Christ est présent partout ; il ne faut pas établir sa divinité aux dépens de la vérité même de son corps. De ce qu’une chose est en Dieu, il ne s’en suit pas nécessairement qu’elle soit partout où Dieu est. L’Ecriture, où tout est vérité, dit que nous avons en Dieu la vie, le mouvement et l’être ^ ; nous ne sommes pas pour cela partout comme Dieu ; mais Jé- sus-Christ homme est en Dieu d’une autre façon , parce que Dieu est en lui d’une autre manière, par un mode unique et qui lui est propre. Car en Jésus Christ , Dieu et l’homme ne font qu’une seule personne et un seul Jésus- Christ : comme Dieu, il est partout ; il est au ciel comme homme. 11. Lorsqu’on dit que Dieu est répandu par- tout , il faut se défendre contre toute pensée corporelle et se dérober à l’impression des sens , de peur que Dieu ne nous apparaisse dans une grande étendue comme celle de la terre , de l’eau, de l’air ou de la lumière , car toute grandeur de ce genre est moindre dans sa partie que dans son tout. Nous devons plu- tôt nous le représenter comme une grande sa- gesse, même dans uu homme d’un petit corps. Supposez deux hommes sages et d’une égale sagesse, mais dont l’un soit d’une plus haute taille que l’autre ; il n’y aura pas plus de sa- gesse dans le plus grand des deux ni moins dans le plus petit, ou moins dans l’un que dans ’ Act.i. 10-11. — ’ Ibid. xvu, 28. tous les deux ; mais il y en aura autant dans l’un que dans l’autre , et autant dans chacun que dans tous les deux. Car s’ils sont tout à fait également sages, ils ne le sont pas plus tous les deux que chacun en particulier ; de même que s’ils sont également immortels , ils n’ont pas plus de vie tous les deux que séparé- ment. 12. L’immortalité même dont le corps du Christ a déjà été revêtu et qui est promise à nos corps à la fin des temps, est une grande chose mais non pas une grandeur de masse ; toute corporelle qu’elle soit, son prix est incor- porel. Quoi(jue un corps immortel soit moin- dre dans une partie que dans le tout, son im- mortalité est aussi parfaite dans la partie que dans le tout ; et malgré l’inégalité des mem- bres, leur immortalité est égale. Ainsi, dans cette vie , lorsque nous nous portons bien de tout point, nous ne disons pas qu’il y ait plus de santé dans une main que dans un doigt, quoique la main soit plus grande que le doigt ; la santé est la même dans ces parties inégales, et ce qui ne peut pas être aussi grand qu’autre chose peut être aussi sain. Il y aurait plus de santé dans les membres les plus grands si les plus grands étaient les plus sains ; mais comme il n’en est pas ainsi et que les grands comme les moindres sont aussi sains les uns que les autres, la santé s’y trouve égale malgré l’iné- galité des membres. 13. Le corps étant donc une substance , sa quantité est dans sa grandeur ; mais la santé n’est pas une quantité, c’est une qualité. Ce que peut la qualité, la quantité ne le peut donc pas. Car les parties du corps ne peuvent pas être ensemble parce qu’elles occupent chacune un espace , les plus petites un plus petit , les plus grandes un plus grand ; aussi la quantité ne peut pas être entière dans chacune de ces parties ; mais elle est plus grande dans les plus grandes parties, plus petite dans les plus peti- tes, et nulle part aussi grande que dans le tout. Au contraire, la qualité du corps qui se nomme la santé, quand le corps tout entier est sain , est la même dans les grandes que dans les pe- tites parties ; car les unes, pour être moindres, ne sont pas les moins saines ni les autres, pour être plus grandes, les plus saines. Pourquoi la substance du Créateur ne pourrait-elle pas en elle-même ce que peut dans un corps la qua- lité d’un corps créé ? 14. Dieu est donc répandu partout. Il dit par